UEMOA : Ce que contient l'étude en cours sur la tarification du marché financier régional


Par Dr ZOGO


Le rapport provisoire datant de mars 2023 portant étude sur la tarification applicable sur le marché financier régional de l'UMOA a été validé à Dakar au Sénégal à l’initiative de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF-UMOA). Mais que contient ce rapport ?

À partir d’une l’analyse réalisée dans le diagnostic et le benchmark international, le cabinet de consulting international AFI a proposé une série de recommandations regroupées en 6 grandes thématiques, et dont l’objectif est de promouvoir le développement des marchés financiers de la région UMOA et de contribuer à la réduction des coûts de transaction.

LE DIAGNOSTIC

Tout part d’un diagnostic des autres marchés financiers, notamment sur le plan de l’organisation, des principaux acteurs, et de la dimension et de l’évolution récente des marchés primaires et secondaires obligataires et d’actions.

Pour le cas de l’UMOA, les experts s’arrêtent sur les tarifs appliqués par les infrastructures et les intermédiaires, tant du point de vue de l’émetteur que de l’investisseur et analyse la structure des revenus et des coûts de ces institutions.

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Aussi, il présente les résultats d’une simulation dont l’objectif est d’estimer l’impact qu’une éventuelle réduction des tarifs pourrait avoir sur le développement des marchés financiers, sans pour autant compromettre l’équilibre financier de ces institutions.

En tout état de cause, ce diagnostic est confronté par ces experts à un benchmark international de 14 pays dont l’objectif est de comparer les tarifs pratiqués sur ces marchés avec ceux de l’UMOA.

D’autres aspects identifiés dans le cadre du diagnostic, en matière, notamment de concurrence entre les opérateurs, de transparence, d’organisation et fonctionnement des marchés et d’efficience, entre autres, font l’objet également de comparaison avec le benchmark, dans la mesure où ils ont un impact avéré sur la tarification.

ETAT DES LIEUX

Les principales conclusions qui se dégagent de l’étude menée sur le terrain financier ouest-africain sont les suivantes :

  • Le système d’homologation, dont l’objectif est d’assurer une certaine standardisation des tarifs des intermédiaires et protéger les petits investisseurs, s’avère une initiative pertinente et utile, mais doit être amélioré. En effet, dans la pratique, « celui-ci n’est pas totalement efficace dans la mesure où les grilles tarifaires homologuées ne suivent pas un format unique et n’apportent pas un degré de détail suffisant pour comprendre le contenu des services objet de tarification.»
  • Concernant la tarification des infrastructures de marché, l’analyse conduite n’a pas permis de comprendre sa logique économique compte tenu de l’absence, chez ces infrastructures, d’une comptabilité analytique justifiant le niveau et la nature de leurs tarifs. L’analyse révèle, en outre, une forte dépendance financière des infrastructures de marché de la BRVM à l’égard des revenus issus du marché de la dette publique par syndication. La politique de tarification sur ce marché, avec des tarifs très au-dessus de ceux pratiqués dans les marchés financiers du benchmark, permet, certes, aux infrastructures du marché de la BRVM d’assurer leur équilibre financier, mais pénalise le marché de la dette publique par syndication. Il faut, toutefois, signaler que les émissions de dette publique par voie de syndication ont continué à progresser au cours des dernières années, malgré les inconvénients signalés.
  • L’analyse du marché UMOA a mis en évidence, d’une part, l’existence de barrières à l’exercice de l’activité d’intermédiation en fonction du statut juridique des entités spécialisées (banques et SGI) et, d’autre part, une absence de cohérence (‘level playing field’) dans la réglementation et la supervision d’entités exerçant les mêmes activités. Ainsi, les banques, dans leur activité sur le marché de la dette publique, sont soumises à la réglementation de la BCEAO, tandis que les SGI intervenant sur ce même marché, doivent se conformer aux dispositions établies par le CREPMF. Or, l’élimination des barrières et la promotion d’une saine concurrence s’avèrent fondamentales pour permettre une réduction des tarifs sur le marché.
  • Les difficultés pour accéder aux états financiers des SGI et à leurs grilles tarifaires ainsi que l’absence des informations relatives aux émissions et aux transactions sur le marché secondaire révèlent un fort déficit de transparence sur les marchés financiers de l’UMOA et ne contribuent pas à assurer une formation des prix sur les marchés financiers efficiente.
  • Malgré les progrès réalisés au cours des dernières années, les procédures du CREPMF sont encore lourdes et exigent des délais importants et se traduisent par des coûts pour les émetteurs et les investisseurs. Alors que les nouvelles technologies pourraient contribuer à améliorer l’efficience et l’efficacité des marchés financiers, leur application en région UMOA se trouve encore à un stade très embryonnaire.
  • Enfin, le composant principal du marché des valeurs de l’UMOA et le seul qui a fait preuve de dynamisme est le marché de la dette publique. Celui-ci est organisé en deux compartiments (adjudication et syndication), avec des infrastructures, des règles de fonctionnement et de supervision et des systèmes de tarification différents. Cette structure duale, qui est unique sur le panorama international, est génératrice de duplicités et de coûts et ne contribue pas au développement du marché des valeurs de l’Etat.

RECOMMANDATIONS FORMULEES

A partir de ces conclusions, les experts ont pu formuler un certain nombre de recommandations susceptibles de contribuer à une réduction des coûts de transaction sur les marchés financiers en région UMOA et permettre leur développement.

Ces propositions s’articulent autour de la promotion de la concurrence entre les opérateurs privés, de la promotion de la transparence du marché, de la promotion de l’efficience des marchés financiers, de l’amélioration du système d’homologation des tarifs des opérateurs de marché du CREPMF, du développement par le superviseur et par les entités qui exercent leur activité en situation de monopole (CREPMF, AUT, BRVM/DCBR) d’une comptabilité analytique permettant de connaître les recettes et les dépenses générés par les différents segments d’activité et le renforcement de la cohérence du marché de la dette publique.

Le rapport recommande ainsi de :

  1. Définir, à partir de modèles de tarification existants sur d’autres marchés, un nouveau cadre tarifaire pour les SGI plus détaillé et standardisé, et élargir cette initiative à d’autres marchés, tels que celui de la dette publique par adjudication.
  2. Promouvoir auprès du CREPMF et des infrastructures de marché régional, la mise en place de systèmes de comptabilité analytique, permettant l’analyse des recettes et des dépenses associées à la prestation des services fournis par ces institutions et de définir une tarification plus ajustée au coût réel des services fournis.
  3. Réviser la réglementation sur les activités d’intermédiation de sorte qu’une même activité soit soumise à la même réglementation et aux mêmes critères de supervision, indépendamment du type d’entité qui l’exerce, en termes, entre autres, de : capitaux propres requis, réglementation de la tenue de comptes, conditions applicables aux contrats avec les investisseurs, tarifs, etc…
  4. Exiger des intermédiaires la publication à jour de leurs états financiers et de leur grille tarifaire sur leurs sites web et combler les lacunes en matière d’informations sur les marchés financiers primaires et secondaire de l’UMOA,
  5. Assurer une plus grande convergence en matière de réglementation et tarifaire entre les deux organismes d’homologation des émissions de dette publique. Cette convergence réglementaire et tarifaire n’est pas incompatible avec l’existence de deux marchés ou systèmes de négociation des valeurs pour les titres de l’Etat.
  6. Promouvoir auprès des institutions de marché (CREPMF, BRVM, DC/BR) des audits pour analyser les procédures internes et identifier des domaines d’amélioration qui pourraient contribuer, entre autres, à une réduction des délais des processus d’émission, mais, surtout, à une amélioration générale de l’efficience de ces institutions et donc à une diminution de leurs coûts de fonctionnement.
  7. Conduire une étude sur les possibilités de digitalisation des marchés financiers de la région UMOA, comme levier pour leur développement et la réduction des coûts de transactions. L’expérience internationale démontre, en effet, que la technologie est un vecteur fondamental pour la réduction des coûts de transactions sur les marchés boursiers, à travers des initiatives telles que la mise en place de plateformes de bourse en ligne ; ou encore la dématérialisation et automatisation des processus des institutions de marché, entre autres. Il serait, ainsi, important d’analyser les effets qu’une accélération de la transformation technologique des marchés financiers de la région UMOA pourrait avoir sur une amélioration de son efficience et, donc, sur une réduction des coûts de transaction. Un autre vecteur d’analyse qu’explorent actuellement certains marchés boursiers est l’introduction de la technologie blockchain, comme levier pour réduire les coûts et flexibiliser leur fonctionnement.