Les appellations Bourse des Valeurs Mobilières de l’Afrique Centrale et Bourse Régionale des Valeurs mobilières, renvoyant respectivement aux entreprises de bourse des marchés financiers de la CEMAC et de l'UEMOA, ont-elles encore leur place au regard d’importantes réformes qu’ont connues ces différents marchés financiers ?
Malgré les réformes entreprises, le marché boursier de la zone CEMAC reste appelé "Bourse des Valeurs Mobilières de l’Afrique Centrale (BVMAC)" et celui de l’UEMOA, "Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM)". Ces appellations qui ont longtemps démontré la centralité de la notion des valeurs mobilières dans les marchés financiers de ces zones sont aujourd'hui questionnables.
Quand la notion de valeurs mobilières colonisait ces marchés financiers !
Les valeurs mobilières ont longuement été considérées comme le véritable dénominateur commun des marchés financiers de la zone OHADA, dans la mesure où lesdits marchés étaient et sont encore définis comme des "marchés de valeurs mobilières". Les appellations actuelles desdits sont à ce titre fort révélatrices. Ces appellations n’étaient donc pas anodines tant les valeurs mobilières constituaient la marchandise centrale, principaux biens financiers échangés, ce qui a toujours justifié lesdites appellations. Cependant, au regard des réformes entreprises dans lesdits marchés financiers, certaines interrogations peuvent être soulevées : les dénominations BVMAC et BRVM vont-elles survivre, ou ont-elles encore leur place ? Que reste-t-il de la centralité de la notion des valeurs mobilières dans les marchés financiers sus-évoqués ?
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Relativement à la première interrogation, sur la survie ou le maintien opportun des appellations de Bourses des valeurs mobilières, il ressort que leur maintien devient difficile voire incohérent. Elles ne correspondent plus aux réalités actuelles tant elles apparaissent en déphasage avec le nouveau visage de ces marchés financiers. Avec la réforme du Règlement CEMAC/UMAC/CM/COSUMAF du 21 juillet 2022 portant organisation, fonctionnement et surveillance du marché financier CEMAC, il faut noter que les biens qui circulent et circuleront désormais dans le marché financier CEMAC sont les instruments financiers.
L'ère des instruments financiers comme biens échangés sur les marchés financiers !
A lecture du nouveau règlement CEMAC, notamment dans le chapitre 2 intitulé « des instruments financiers », l’on s’aperçoit que les instruments financiers sont les titres financiers et les contrats financiers ou instruments financiers à terme (art.5). Par ailleurs, les titres financiers sont les valeurs mobilières ; les effets publics négociables issus de la titrisation de la dette intérieure d’un ou de plusieurs États membres de la CEMAC ; les titres de créance négociables supervisés par la BEAC, les Sukuks et les titres financiers assimilés.
Les valeurs mobilières comprennent les titres de capital et les titres de créances émis par les sociétés par actions, les personnes morales de droit public, les organismes de placement collectif. Elles confèrent des droits identiques par catégorie et donnent accès directement ou indirectement à une quotité du capital de l’entité émettrice, ou à un droit de créance général sur son patrimoine. Il en ressort clairement que les valeurs mobilières sont des titres financiers, mais la réciproque n’est pas vrais. Les valeurs mobilières sont donc une catégorie des titres financiers et une sous-catégorie des instruments financiers.
Il en ressort clairement que les instruments financiers seront au cœur dudit marché financier. Il devient donc inconcevable de continuer à faire recours auxdites appellations. Elles apparaissent dépasser au regard des réformes entreprises. Le maintien de la désignation de Bourse des valeurs comme le mentionne l’article 4 dudit Règlement devrait être corrigé.
Ainsi, l’article 4 du nouveau Règlement prévoit que l’organisation, le fonctionnement et l’animation du Marché Financier Régional sont assurés, dans la limite de leurs compétences et de leurs responsabilités, par les quatre (4) institutions suivantes : la Bourse des Valeurs Mobilières de l’Afrique Centrale, ci-après dénommée « la Bourse Régionale » ou « BVMAC». Il appert que le maintien de la dénomination bourse des valeurs mobilières demeure. Pourtant, à la lecture du règlement, elle ne devrait plus être.
Le naturel serait-il plus fort ?
Comme le souligne si bien un proverbe bien connu : « chassez le naturel, il revient au galop », le législateur CEMAC a-t-il du mal à se débarrasser de la notion de valeurs mobilières ? C’est sans doute là, la manifestation de la prééminence de la nature sur les constructions humaines qui transparait à travers ce difficile détachement de la notion de valeurs mobilières.
Ce qui amène à la seconde interrogation, celle de savoir que reste-t-il de la notion de valeurs mobilières ? Cette interrogation ô combien importante laisse voir un "avenir incertain" des valeurs mobilières. A la lecture du récent règlement, comme il a été souligné plus haut les instruments financiers sont une catégorie plus vaste que celles des valeurs mobilières.
Les instruments financiers comprennent les titres financiers et les contrats financiers ou instruments financiers à terme. Les valeurs mobilières sont une sous-catégorie des titres financiers. L’opposition valeurs mobilières et titres financiers semble donc trancher ici. Les valeurs mobilières sont donc une catégorie des titres financiers. Le maintien des valeurs mobilières commence apparaître dans cette occurrence de plus en plus hypothétique. La notion d’instruments financiers, voire même celle de titres financiers dépasse celle de valeurs mobilières. A travers cette réforme, l’on n’assisterait-on pas ainsi, à un émoussement de la centralité de la notion de valeurs mobilières dans le marché financier CEMAC.
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Cependant, avec les réformes entreprises ces derniers temps, ces configurations des marchés financiers sont à revoir. Les appellations bourses des valeurs mobilières apparaissent aujourd’hui au regard de ces réformes comme dépassées. Les législateurs doivent prendre en compte cela. Chaque réforme est donc évocatrice et apporte nécessairement de profonds bouleversements tant sur la forme que sur le fond. La réforme du marché financier CEMAC à travers son nouveau règlement est donc porteuse d’importantes conséquences.
In fine, ces appellations devraient, par principe de cohérence, disparaître, parce que ne répondant plus aux réalités desdits marchés financiers. Les marchés financiers se définissent à travers la notion d’instruments financiers dorénavant, et non plus de celle des valeurs mobilières. Les appellations BVMAC, voire BRVM seraient donc appelées à disparaître.