LCBFT | CAMEROUN : Sur saisine de l’ANIF, le ministre de l’administration territoriale frappe des ONG pour suspicion de "financement du terrorisme et blanchiment de capitaux" ?


Par la Rédaction de DMF


Sur une correspondance de l’Agence Nationale d'Investigation Financière (ANIF) en date du 04 novembre 2024, le ministre de l’Administration territoriale a sanctionné le 06 décembre 2024 une demi dizaine d’organisations identifiables comme OBNL (Organismes à but non lucratif).

Une vue sur siège du Ministère de l'administration territoriale (c)

C’est par plusieurs arrêtés ministériels allant des N°00120 à 00124 pris le 06 décembre 2024 que des Organisations non gouvernementales (ONG) et Associations ont été soit frappées de suspension temporaire, soit sanctionnées de « nullité ». Il s’agit de :

  • L’Association Charitable Socio-Culturelle du Cameroun (A.C.S.C.C.) qui est suspendue de toute activité sur l’ensemble du territoire national, pour une durée de trois (03) mois ;
  • L'Organisation Non Gouvernementale dénommée « REACH OUT CAMEROON » (ROC), dont le siège se trouve à Buea qui est suspendue pour 03 mois ;
  • L'association dénommée « Réseau d'Organisations de Défense des Droits de l’Homme en Afrique Centrale », (REDHAC) dans sa dénomination 1 qui est, à compter de la date de signature de cet arrêté, suspendue de toute activité sur l'ensemble du territoire national, pour une durée de trois (03) mois ;
  • L'association dénommée Réseau des Défenseurs des Droits Humains en Afrique Centrale » (REDHAC) dans sa dénomination 2 désignée comme « nulle et de nul effet, pour défaut d'autorisation et activités de nature à porter atteinte à l’intégrité du système financier nationale » ;
  • L'organisation dénommée « L.M NANJE FOUNDATION INC », représentée par Madame FORTEH NGOCHI WASE USAN qui est frappée de nullité « pour défaut d'autorisation et activités de nature porter atteinte à l'intégrité du système financier national».

CAUSES COMMUNES

Certes, les vocables "Financements du Terrorisme" ou "blanchiment des capitaux" ne sont pas expressément mentionnés, ils se lisent bien en creux des motifs pris par le MINAT pour agir et qui sont au demeurant identiques pour tous les mis en causes :

  • Financements illicites et exorbitants en inadéquation avec le profil de l'activité ;
  • Activités de nature à porter atteinte à l’intégrité du système financier national ;
  • Absence de justification de la destination des financements reçus ;
  • Non-respect des dispositions légales relatives au fonctionnement d'un Organisme à But Non Lucratif.

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A l’analyse, le Cameroun étant sur la liste grise du GAFI (Groupe d’Action Financière), cette suite de sanction porte à croire que le pays veut faire bonne figure. A ce titre, il redoublerait d’ardeur dans la quête de conformité aux standards internationaux en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. En effet, même si d’autres analystes veulent y voir un lien avec les groupes terroristes au Nord/Sud-Ouest du pays ou encore des manœuvres en vue des élections à venir, le GAFI qui maintient sa pression sur les institutions financières se montre aussi regardant pour les OBNL.

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Sa recommandation 8 se concentre effectivement sur le secteur des OBNL en l’occurrence l’utilisation potentielle d’OBNL comme vecteurs de financement du terrorisme qui fait exiger des pays comme le Cameroun, un examen de l’adéquation des lois et règlements relatifs aux OBNL identifiés par le pays comme étant vulnérables à des détournements pour le FT et des mesures ciblées et proportionnées pour protéger les OBNL contre le FT par des organisations terroristes se présentant comme des entités légitimes ; en exploitant des entités légitimes comme des vecteurs de FT ou encore en dissimulant ou en occultant le détournement clandestin de fonds.

Il convient de rappeler que les sanctions pénales prévues contre ce type d'infractions de BC/FT peuvent ressortir de la compétence des Tribunaux Militaires et donner voie à des peines majeures. Au reste, ces arrêtés du ministre étant des actes administratifs susceptibles de recours devant les juridictions administratives, les OBNL sanctionnées n'ont pas encore tout perdu !