Le 9ème Objectif de Développement Durable (ODD 9) « Industrie, Innovations et Infrastructure » est celui sur lequel s’adosse le développement de nouveaux contenants plus propres pour la santé humaine en maintenant la qualité des produits. En fait, près de 30 millions de tonnes de plastique arrivent en Afrique chaque année, dont la moitié n’a vocation à être utilisé qu’une seule fois. Sur ce total, moins de 10 % sont recyclés. On estime que 19 à 23 millions de tonnes finissent dans les lacs, les rivières et les mers. Près de 17 millions sont non bio dégradables ce qui en fait une réelle menace pour le continent. Puisque nous sommes à l’origine de la pollution par le plastique, la solution est également entre nos mains.
Quel financement envisager pour la dépollution plastique ?
D’emblée, il est important de dire que le plastique est l’un des polluants majeurs des milieux terrestre et aquatique. Sa dépollution touchera bien entendu l’essentiel des domaines de la vie sur le continent car, l’agriculture et la pêche, occupe une place prépondérante dans le mode de vie et le PIB de la région. Dès lors, pour dépolluer l’Afrique du plastique, plusieurs techniques de financement sont envisageables.
- Appuyer l’effectivité du pollueur-payeur tout en renforçant la bonne gouvernance des fonds issus de la mise en œuvre de ce principe hérité de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE), serait une belle entrée de jeu. En effet, la corruption et le détournement de deniers publics effritent la capacité des pays africains à combattre la pollution plastique d’autant plus qu’il y va de sa crédibilité auprès des investisseurs.
- Il serait tout aussi bénéfique de renforcer l’accompagnement des Organisations Internationales (OI) qui sont déjà les plus grands pourvoyeurs de fonds dans ce domaine en instituant des plateformes collecte de fonds entre acteurs du milieu. De plus, renforcer le portefeuille des obligations durables sur les marchés financiers africains est une autre option. Investir dans la production des alternatifs au plastique demeure la solution la plus difficile à implémenter sur le continent mais pourtant la plus efficace.
Quelle situation observer au Cameroun ?
En 2012 l’arrêté conjoint n° 004/Minepded/Mincommerce du 24 octobre 2012 portant réglementation de la fabrication, de l’importation et de la commercialisation des emballages non biodégradables a été pris pour réguler l’utilisation du plastique. Mais à ce jour ce sont quelques bénévoles qui se démarquent après des mains levées volontaires, pour accélérer avec peu de soutien, la campagne anti plastique. La mise en œuvre de l’article 9 alinéa c de la loi cadre relative à la gestion de l’environnement au Cameroun devrait permettre de financer la remise en l’état des sites pollués. Le principe pollueur-payeur signifie que le pollueur doit supporter l’intégralité des coûts de dépollution à due concurrence de la pollution par son fait et pour son compte. De plus, l’opérationnalisation du Fond National de l’Environnement et du Développement Durable (FNEDD) avec 2 milliards de Fcfa au titre de l’année budgétaire 2023, devrait faciliter l’accès aux fonds nécessaires à l’appui des programmes de développement durable.
Cependant, il faut relever que le Ministère de la Recherche Scientifique et de l’Innovation (MINRESI) est l’un des piliers de la mise en œuvre de l’ODD 9 suscité. Pourtant à ce jour, peu de recherches alternatives au plastique ont été accomplies dans ce sens. Alors que dans le budget de l’année en cours, les crédits disponibles pour le 2nd programme de cette institution sont de 6 885 792 000 Fcfa. Mais il est semblerait que les « alternatifs au plastique » ne sont pas sa priorité. Du côté du Ministère de l’Environnement de la Protection de la Nature et du Développement Durable (MINEPDED) 990 500 000 de Fcfa sont disponibles au cours de l’année 2023 pour réduire la pollution indiquée par quantité de déchets gérés de manière écologiquement rationnelle.
Malgré tout cela, on conserve chaque 05 juin la même insatisfaction.
Sous d’autres cieux, il serait de bon ton de corser les mesures dissuasives pour limiter la production du plastique à la source. Etablir un pourcentage de taxe qui sera proportionnelle à la production effectuée, doser la fiscalité liée à ces activités en sont des exemples. Des mesures incitatives sont également à envisager. Les réductions fiscales comme le dégrèvement d’impôts ainsi que les primes pourraient à juste titre encourager l’innovation dans ce sens. Les Investissements Directes Etrangers (IDE) jusqu’ici grands absents du programme de dépollution devraient se rendre plus efficaces pour atteindre les objectifs du programme d’Addis Abeba.
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Toutes fois, des alternatifs sont ouverts pour éradiquer le plastique. Nous notons entre autres l’utilisation des matières bio dégradables tels les brosses à dents et cure-oreille en bambou ; les gourdes en inox ainsi que les sacs réutilisables et les cakes vaisselle. Le développement de ces produits biodégradables qui viendraient limiter l’utilisation du plastique.
Quelles leçons tirer des Pays-Bas ?
Ce n’est pas anodin que les Pays Bas soutiennent la journée mondiale de l’Environnement en Côte d’ivoire sur le thème de cette année. Ce pays est l’un des plus avancés au monde dans la lutte contre la pollution plastique. A ce jour, il a financé la construction d’une piste cycliste recyclable à partir de déchets plastiques. Plusieurs îles artificielles ont été construites pour permettre le développement de la biodiversité loin des déchets plastiques contenues dans les milieux marins naturels. De plus, un programme de compensation des déchets plastique est financé par une monnaie locale adossée à leur recyclage. Un drone aquatique collecte les déchets plastiques dans les espaces maritimes. Une prime est versée aux promoteurs de nouveaux contenants selon l’importance et l’utilité du produit développé. Un jardin flottant a été construit par l’association Recycled Island Foundation avec 100% de plastique recyclé.
Dans l’attente des alternatives issues de la JME 2023, il faut préciser que le retour au « statu quo » est quasi impossible en matière de pollution, car la dépollution 100% est non envisageable. Relevons également que la « pollution-zéro plastique» reste un idéal assez éloigné pour les pays africains, tant la prise de conscience collective est lente. Par contre, notons que quelques actions concrètes ont été à ce jour financé par la Banque Africaine de Développement (BAD). Cependant les mécanismes de financement demeurent concentrés sur les Aides Publiques au Développement (APD) de la part des pays les plus industrialisés, paradoxalement gros pollueurs et importateurs de plastique en Afrique.
Les projets qui interviennent en aval comme le recyclage (des déchets recyclables), sont les plus capés, hypothéquant par là même l’objectif « zéro-plastique ». Toute chose qui limite en même temps l’enveloppe attribuée à la recherche et à l’innovation qui agissent pourtant en amont sur ce mastodonte qu’est la pollution plastique. Faut-il donc penser que lutter contre la pollution plastique c’est investir dans le recyclage et minimiser l’élimination à la source ?