“Bilan des 20 ans d’application de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AUVE)”. Tel était le thème central de la première sortie annuelle de l’ACAA. Si l’indisponibilité du Secrétaire permanent de l’OHADA (Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires), le Pr Sibidi Darankoum s’est faite remarquée, plusieurs intervenants se sont mobilisés pour débattre de la question. Il s’agissait des avocats, Me Jérémie Wambo, Me Paul Tchuente, Me Julius Achu, du magistrat Moukete Ekoume et surtout du président de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), César Apollinaire Ondo Mve.
Echanges
Me Paul Tchuente dont l’exposé portait sur les innovations introduites par l’AUVE à son adoption le 10 avril 1998, s’est félicité de ce que le législateur OHADA a fait montre de clarté et d’innovation. Ainsi a-t-il par exemple évoqué la disparition de l’autorisation nécessaire du juge en faveur de la toute puissance du titre exécutoire. Il a également noté l’importance du juge de l’exécution différent du juge de référé. En 20 ans, a souligné l’intervenant, “des avancées” dont au moins l’une se rapporte au respect du principe de proportionnalité. Cela concerne notamment la saisie de comptes bancaires qui permettrait de ne bloquer qu’une partie du compte.
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Me Paul Tchuente a par ailleurs noté des reculades à l’instar de l’intervention du ministère public dans des procédures où il ne devrait guère officier. A cela a été ajouté le problème des fonds à consigner pour des assignations. Enfin, dans la pratique, il arrive parfois qu’un conservateur en matière immobilière refuse d’exécuter la décision.
Pour Sieur Moukete qui intervenait sur le juge du contentieux de l’exécution au Cameroun, la question de base est de savoir : de quel côté se situe la têtutesse , de celui du juge de la CCJA ou du juge camerounais ? A ce stade, l’épine se situe autour de l’article 49(1) de l’Acte uniforme AUVE n°6, « la juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou une saisie conservatoire est le président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou le magistrat délégué par lui. »
La confrontation à problème est faite à l’aune du droit camerounais par la Loi n° 2007/001 du 19 avril 2007 instituant le juge du contentieux de l’exécutif et fixant les conditions de l’exécution au Cameroun. Un procès sans pertinence selon l’intervenant. Selon lui, le Cameroun ne tient pas tête au droit OHADA sur ce point, car l’OHADA n’harmonise pas l’organisation judiciaire des Etats parties, de plus l’OHADA n’impose pas juge et enfin, le juge camerounais est couvert par les dispositions du code de procédure civile et commerciale.
Pour Me Jérémie Wambo, intervenant sur la jurisprudence de la CCJA relative à l’AUVE depuis 1999, il est nécessaire que ce texte soit révisé, toute chose qui impactera l’attitude de juges. Ainsi, l’orateur est revenu sur la position de la CCJA sur la liquidité de la créance, la source de la créance ou encore les éléments de la créance. L’avocat juriste référendaire auprès de la CCJA toutefois noter la difficulté pour les juges de s’appuyer sur les dispositions de l’article 19 de l’AUVE et celles de l’article 25 du même texte, tant les deux semblent contradictoires.
La position du président de la CCJA
Le juge Apollinaire Ondo Mve a d’entrée de jeu souligné la place majeure du droit issu de l’AUVE par rapport au volume du contention de la CCJA. Ainsi a t-il noté, en 2019, sur 193 décisions, 167 portaient sur l’AUVE. C’est donc plus de 85 % du volume de contentieux de la Cour. Selon lui toutefois, “il faut aller vite avec la réforme de cet acte uniforme“. L’orateur s’est atelé à démontrer que quasiment chaque article de l’AUVE porte des insuffisances à corriger même s’il est indéniable que ce texte “tenu son pari en 20 ans d’application”.
Relativement à la problématique de l’article 49 de l’AUVE, le président a souligné que l’appréciation du droit camerounais doit être prudente car, la juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou une saisie conservatoire. Selon lui, “cet article ne concerne pas tous les contentieux mais uniquement celui de l’exécution forcée et des saisies liées à l’AUVE.
En bout de soirée, plusieurs préoccupations ont été soumises aux panélistes. C’est dans cette occurrence que l’ancien Bâtonnier, Me Charles Tchoungang s’est préoccupé des fondements même de l’OHADA. “Comment a-t-on pu créer un espace juridique avant de mettre en place un espace économique et politique” a-t-il fait remarqué.
En dernière analyse, relevons qu’ainsi que l’a indiqué son président Me Charles Tchuente, l’ACAA au titre du premier semestre 2020 prévoit dès le 06 mars prochain, un 2ème dîner-débat à l’occasion de la Journée Internationale des droits de la Femme. L’idée étant selon Me Charles Tchuente de “rendre hommage à l’avocate en adoptant cette année le thème retenu par l’ONU, à savoir : « Je suis de la Génération Egalité » ; au cours de ce dîner-débat, la parole [sera donnée ] à quatre (4) jeunes avocates pour décliner leurs visions de l’égalité dans la pratique professionnelle “.
Willy ZOGO