La dynamique observée en droit des sûretés dans plusieurs systèmes juridiques de par le monde a permis la réception du pacte commissoire. En effet, c’est suite à la révision de l’Acte Uniforme portant organisation des Sûretés le 15 décembre 2010 que cet instrument a été légalement consacré en droit OHADA. Parce qu’il faut le préciser, même s’il était consacré en théorie, légalement il était proscrit.
Le pacte commissoire un concept antique proscrit jusqu’à la révision de l’acte uniforme sur les sûretés
Le concept de pacte commissoire auquel fait allusion le législateur OHADA dans l’Acte uniforme portant organisation des sûretés du 15/12/2010 remonte à la Rome Antique. On le définissait comme « une convention conclue entre un débiteur et un créancier et par laquelle, ils conviennent que le bien gagé deviendra la propriété du bénéficiaire en cas de non paiement à échéance de la dette consentie ».
Au regard de cette conception Préhistorique, il semble que les Pères du pacte commissoire tenaient à dynamiser le Gage, en facilitant sa réalisation au moyen de cette convention. Cependant, ce concept de réalisation conventionnelle a été critiqué, d’où sa prohibition. En effet, le débiteur concédant généralement concomitamment au bénéfice du crédit, le gage, on craignait de le voir soumis à la loi du plus fort par certains « prêteurs sans scrupules», désireux de profiter de sa situation critique pour lui imposer un pacte commissoire et le spolier du bien grevé d’une valeur généralement supérieure au montant de la créance. Cette raison va amener l’Empereur CONSTANTIN en 326 après J.C.à interdire le pacte commissoire.
Après les invasions barbares, le pacte commissoire fit son retour jusqu’à sa prohibition à nouveau par le Pape INNOCENT III en 1198. Cette interdiction passée dans l’Ancien Droit dès le 16e siècle fut consacrée dans le code civil de 1804. Dès lors, les pays de tradition civiliste tel que le QUEBEC et certains pays africains, en occurrence les pays membres de l’OHADA où le code civil de 1084 était en vigueur, ne pouvaient que prohiber ce pacte dans leur droit commun des contrats conformément à l’article 2078 du code civil qui disposait alors que : « Le créancier ne peut, à défaut de paiement, disposer du gage ; sauf à lui à faire ordonner en justice que ce gage lui demeure en paiement et jusqu’à due concurrence, d’après une estimation faite par experts, ou qu’il sera vendu aux enchères.
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Toute clause qui autoriserait le créancier de s’approprier le gage ou en disposer sans formalités ci-dessus est nulle ». Mais, cette situation s’est progressivement adoucie pour être définitivement ignorée. En effet, sous l’influence des intérêts et exigences de l’économie contemporaine, notamment l’efficacité dans la réalisation des sûretés réelles, la jurisprudence a amorcé un mouvement de reconnaissance du pacte commissoire. A plusieurs reprises, elle a validé les pactes commissoires postérieurs à la conclusion du contrat de gage[1] ou ceux grevant les gage-espèces[2]. A la suite de cette dynamique prétorienne, les législateurs français et OHADA l’ont successivement consacré en la forme légale le 23 mars 2006[3] et le 15 décembre 2010.
Qu’est-ce que le pacte commissoire selon le droit OHADA?
Le pacte commissoire : une nouvelle modalité de réalisation des sûretés réelles :Après avoir réaffirmé dans le Traité de QUEBEC sa volonté à renforcer la sécurité juridique et judiciaire dans l’espace OHADA, le législateur OHADA précise sans toutefois le nommer dans l’article 104 alinéa 3 de l’AUS que : « … les parties peuvent convenir que la propriété du bien gagé sera attribuée au créancier gagiste en cas de défaut de paiement […] »et ce, quelle que soit la nature du bien gagé, mobilier[4] ou immobilier[5].
Opportunément introduit donc par la réforme du droit des sûretés le 15 Décembre 2010, aux cotés d’autres innovations non négligeables à l’accès au crédit et à la sécurité des créanciers, le pacte commissoire s’analyse comme une modalité nouvelle dont le but est de faciliter la réalisation des sûretés réelles. Un model conventionnel, en d’autres termes une exécution forcée mais de nature privée qui s’oppose à l’exécution forcée ou à l’attribution judiciaire ordonnées par le juge.
Il serait louable pour le développement du crédit que cet instrument soit vulgarisé au regard des multiples avantages qu’il présente.
Biwolé Jean Elvice
[1] Cass. com., 12 janvier 1965, Gaz. Pal. 1965.1.372 : « La prohibition ne s’applique pas à la convention (référence au pacte commissoire) conclue postérieurement à la constitution du gage ». Voir dans le même sens : Cass. com., 25 mars 1903, D. 1904.1.273 ; Cass. civ. 1ère, 17 nov. 1959, Bull.civ., I, n°480 ; Gaz. Pal. 1960.1.62 ; D.1960, somm. 37 ; Cass. com.13 janv. 1965, JCP 1966. II.14469, note R.D.M. ; Paris, 4 mai 1993.
[2] Paris, 4 mai 1993, Société immobilière Montparnasse c/ Banque Worms, Bull. Joly, 1993, § 251, p.861, obs. DELEBECQUE (Ph).
[3] Ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés, Article 46, modifiant et complétant l’article L. 521-3 du code de commerce. selon cet article : « Le créancier peut également demander l’attribution judiciaire du gage ou convenir de son appropriation conformément aux articles 2347 et 2348 du code civil. »
[4] Article 104 alinéa 3 de l’AUS
[5] Article 199 de l’AUS
Par BIWOLE Jean Elvice, Doctorant en droit / Université de Yaoundé II – SOA, Cameroun. Contact :