[TRIBUNE] : L'assureur doit-il indemniser les pertes liées au COVID-19 ?

L’assureur doit-il indemniser la Perte d’Exploitation (PE) sans dommages liée à la pandémie du COVID-19 ? Ancien de l’Ecole Nationale d’Assurances de Paris , Patrick Langue Tiomela pose une analyse qui explore les enjeux d’une question dans l’air oppressant du temps…

Sur le dommage et la perte d’exploitation (PE) sans dommages suite à une épidémie ou une pandémie, il n’existe pas aujourd’hui, de solution assurantielle comme le confirme Hervé Marzal, directeur de Gras Savoye Risk Consulting, dans les colonnes de l’argus de l’assurance du 17 mars 2020. 

En fait : « les couvertures de perte d’exploitation sans dommage (c’est-à-dire une couverture de frais supplémentaires ou de pertes financières associées à un événement qui ne seraient pas liées à un dommage) ne peuvent être envisagées que sur des périmètres limités c’est-à-dire sur des événements qui ne seraient pas systémiques. » Or, les épidémies et les pandémies sont par définition systémiques puisque, on peut le voir avec le Covid-19, elles se propagent comme une traînée de poudre sur l’ensemble du globe.

Quelle assurance pour les PE liées à une pandémie ?

Comme l’atteste Remy Meurdefroid, directeur général du Cabinet de Courtage Eurassur-Monaco, dans les contrats d’assurance dommages aux biens, très souvent la garantie PE doit faire suite un dommage matériel non exclu mais il peut y avoir des extensions de garanties. Dans les polices dommages aux biens avec pertes d’exploitation (DAB/PE), la perte d’exploitation sans dommage matériel n’est pas garantie sauf carence de fournisseur, ce qui suppose un dommage matériel aussi mais chez un tiers identifié.

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La PE suite à une interdiction administrative d’accès peut aussi être acquise dans certaines polices, mais souvent l’interdiction est conditionnée par des dommages matériels et ou événement garanti par ailleurs (émeutes/gilets jaunes). Les polices DAB prévoient bien une exclusion des conséquences financières dues à la fermeture partielle ou totale d’un site en raison d’une épidémie ou d’un risque sanitaire en fonction des rédactions.

Il ressort de l’article 11 alinéa 1 du Code CIMA que « les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ». De ce fait, dans les conditions générales et particulières des contrats d’assurance, les pandémies sont clairement définies comme exclues du champ des garanties.

N’y a t-il aucune issue possible ?

Il n’y a pas vraiment de solutions d’assurance dommages ou pertes d’exploitation sans dommage répondant sur des risques pandémiques ou épidémiques. Les couvertures paramétriques, telles que mise en place en 2017 dans le cadre particulier d’un « pandemic Bond » pour l’OMS constituent probablement une solution d’avenir. Toutefois, il faudrait encore parvenir à modéliser les conséquences, et imaginer que les assurés puissent payer les primes importantes qui couvriraient un tel risque comme le confirme dans les colonnes de l’argus de l’assurance du 17 mars 2020, Frédéric Durot, directeur du département dommage chez SIACI Saint Honoré.

En France, « L’Etat ne prendra pas en charge la perte d’exploitation sans dommage », enjoignant les assureurs à s’impliquer plus fortement pour trouver une solution relative à la prise en charge de la perte d’exploitation sans dommage à laquelle font face les entreprises, en particulier dans le secteur de la restauration et l’hôtellerie.

La seule solution proposée actuellement par la Fédération Française de l’Assurance, c’est l’engament pris par les assureurs de conserver en garantie les contrats des entreprises en difficulté en cas de retard de paiement suite à la pandémie, et ce pour toute la durée de la période de confinement. « Cette mesure de solidarité concrète permettra aux professionnels les plus touchés de poursuivre leur activité en restant couverts par leurs risques assurés », a déclaré dans un communiqué presse Florence Lustman, présidente de la Fédération Française de l’Assurances.

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L’explication vient peut-être de Juilen Robin, directeur des opérations-Courtage en assurance chez KELIPS Assurances. Selon lui, la réalité est que les assureurs ne peuvent pas proposer une couverture  sur les pertes d’exploitation aux entreprises d’un pays mis à l’arrêt, tout simplement parce que les assureurs n’ont pas provisionné pour ce risque.

C’est un risque est impossible à mutualiser car trop systémique. S’il avait fallu le faire, cela aurait été via un contrat complexe à tarifer et à commercialiser ou via un fond de garantie spécifique. Combien de chefs d’entreprise auraient souscrit un contrat pour interruption d’activité à la suite d’une pandémie que nous n’avions pas connue sur plusieurs années ? s’interroge Julien Robin.  

Patrick LANGUE TIOMELA 

Diplômé de l’Ecole Nationale d’Assurances de Paris , 

Rédacteur Sinistres Construction MAF Assurances                                 

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