TRIBUNE | BLANCHIMENT DES CAPITAUX : Que ressort-il de la 6è plénière du Groupe d'Action Financière de juin 2024 pour le Cameroun ?


Note de Dr Théophile NGAPA, Docteur en droit, Avocat et consultant


La sixième réunion plénière du Groupe d'action financière (GAFI), sous la présidence singapourienne s'est tenue à Singapour du 26 au 28 juin 2024. De tout ce qui s'est dit, il ressort entre autres que le Cameroun s’engage à travailler étroitement avec le GAFI et le GABAC pour corriger ses défaillances techniques et stratégiques dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération. 

Déjà reporté lors de la plénière du GAFI de février 2024, l’examen du Rapport du Cameroun sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre des mesures correctives aux défaillances constatées en matière de LBC/FT a été réalisé au cours de la plénière du GAFI qui s’est tenue du 26 au 28 juin 2024 à Singapour (Groupes de travail du 23 au 25 juin 2024). À l’issue de cet examen, le Cameroun a été maintenu sur la liste des pays soumis à vigilance renforcée plus connue sous l’appellation « Liste grise » du GAFI.

Les autorités camerounaises se sont alors engagées solennellement à travailler étroitement avec le GAFI et le GABAC pour la mise en œuvre de son Plan d’action arrêté à l’issue de son ENR dont le rapport avait été officiellement été présenté en janvier 2021, notamment :

(1) aligner les stratégies et politiques nationales de LBC/FT sur les conclusions de l'ENR, surveiller leur mise en œuvre, et en démontrer la coopération et la coordination en matière de LBC/FT entre les autorités compétentes ;

(2) veiller à ce que les demandes de coopération internationale entrantes soient classées par ordre de priorité en fonction des risques et à y répondre de manière efficace ;

(3) renforcer la supervision des banques fondée sur les risques et mettre en œuvre une approche efficace fondée sur les risques pour les institutions financières non bancaires et les EPNFD, et mener des activités de sensibilisation appropriées auprès des institutions financières et des EPNFD à haut risque ;

(4) maintenir et garantir l'accès en temps utile des autorités compétentes à des informations adéquates et actualisées sur les bénéficiaires effectifs des personnes morales, et établir un régime de sanctions en cas de violation des obligations de transparence applicables aux personnes morales ;

(5) renforcer l'échange sécurisé d'informations entre l’ANIF (la cellule de renseignements financiers), les entités déclarantes et les autorités compétentes et démontrer une augmentation de la diffusion des rapports de renseignement pour répondre aux besoins opérationnels des autorités compétentes ;

(6) démontrer que les autorités sont en mesure de mener une série d'enquêtes sur le blanchiment de capitaux et de poursuivre le blanchiment de capitaux en fonction des risques ;

(7) mettre en œuvre des politiques et procédures de saisie et de confiscation des produits et instruments du crime et gérer les biens gelés, saisis et confisqués, et donner la priorité à la saisie et à la confiscation des avoirs à la frontière ;

(8) démontrer que les enquêtes et les poursuites en matière de financement du terrorisme sont menées en fonction du risque ; et

(9) démontrer la mise en œuvre efficace des mesures contre le financement du terrorisme et le financement de la prolifération et mettre en œuvre une approche fondée sur les risques pour les OBNL sans perturber les activités légitimes des OBNL.

Nous ne pouvons qu’espérer que les engagements pris par le Cameroun au plus haut niveau politique se concrétisent dans les faits par une synergie d’actions et une coopération efficace pour sortir de cette liste grise qui, quoiqu’on le dise, porte un coup à la réputation du Cameroun et de ses institutions bancaires et financières.

À l’issue de cette plénière du GAFI, Monaco et le Venezuela rejoignent cette Liste grise du GAFI tandis que la Jamaïque et la Turquie sont retirées de cette liste en raison des efforts que ces deux pays ont démontré dans la mise en œuvre des mesures correctives de leurs défaillances en matière de LBC/FT.

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Il semble utile de rappeler qu’un pays inscrit sur liste grise n’est soumis à aucune sanction officielle. Le GAFI précise qu’être inscrit sur liste grise n’appelle aucun renforcement des mesures de vigilance concernant les transactions avec des organismes de ce pays. Dans la pratique toutefois, l’inscription d’un pays sur la liste grise peut entraîner des conséquences non négligeables sur l’économie et les activités financières d’un pays. Certains investisseurs peuvent y percevoir un signal négatif et d’autres professionnels assujettis mettent sur place des mesures de vigilance renforcée pour des opérations ou des clients de ces pays inscrits sur liste grise du GAFI.

Nous ne pouvons qu’espérer que les engagements pris par le Cameroun au plus haut niveau politique se concrétisent dans les faits par une synergie d’actions et une coopération efficace pour sortir de cette liste grise qui, quoiqu’on le dise, porte un coup à la réputation du Cameroun et de ses institutions bancaires et financières.