De manière sommaire, qu’est-ce qui change avec la réforme de la règlementation 2023 de la COBAC en matière de diligences anti blanchiment par rapport au texte de 2005 ayant le même objet ?
De manière globale, l’objectif principal du règlement COBAC R-2023/01 relatif aux diligences des établissements assujettis en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération adopté le 19 décembre 2023 qui entrera bientôt en vigueur est la mise en conformité avec le règlement n°01/CEMAC/UMAC/CM du 11 avril 2016 portant prévention et répression du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme et de la prolifération en Afrique centrale. Ce règlement anti blanchiment de la CEMAC de 2016 avait adopté l’approche par le risque édictée à l’époque par le GAFI, ce qui nécessitait obligatoirement une refonte du règlement de la COBAC de 2005. C’est désormais chose faite. Avec le « mauvais vent » qui souffle actuellement sur les États de la CEMAC concernant leur effectivité et leur efficacité en matière de LBC/FT, les choses vont évoluer rapidement dans les stratégies LBC/FT. De manière un peu plus spécifique, ce règlement COBAC vient bouleverser l’approche stratégique que doivent adopter les établissements assujettis dans la conception et la mise en œuvre de leurs politiques et leurs procédures internes LBC/FT. Par exemple, au-delà de l’évaluation nationale des risques qu’ils doivent prendre en compte, les assujettis doivent effectuer leur propre évaluation des risques inhérents aux produits qu’ils proposent et aux clients avec qui ils sont en relation d’affaires ou envisagent d’entrer en relation d’affaires. Il leur est même désormais fait expressément obligation de démontrer à la COBAC ou à toute autorité de contrôle compétente la pertinence aussi bien de cette évaluation des risques que de la gestion ou des mesures d’atténuation de ceux-ci.
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Pour faire plus simple, lors des contrôles, la question ne se posera plus désormais uniquement en termes d’existence d’une évaluation des risques et des procédures internes, mais surtout en termes d’efficacité ou de pertinence au regard des risques identifiés. Ce nouveau règlement élargit également la liste des actifs financiers concernés pour l ’étendre à tous les actifs financiers. Aussi, pour répondre aux Lignes directrices de l’approche fondée sur les risques appliquée aux actifs virtuels et au PSAV de 2019, ce nouveau règlement prévoit quelques mesures d’atténuation des risques liés à ces actifs. Certains apports pourtant importants peuvent passer inaperçus. Il s’agit par exemple de l’inclusion expresse des bureaux de change dans la liste des établissements assujettis, laquelle était auparavant subordonnée à la demande d’un État ; et aussi de l’inclusion dans cette liste des établissements de paiement et des holdings financières sur base consolidée.
À quoi s’exposent les banques qui ne se conformeront pas aux nouvelles diligences dès le 1 er juillet 2024, date de l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation de la COBAC ?
De manière théorique, le nouveau règlement prévoit que la COBAC peut engager une procédure disciplinaire contre un établissement assujetti en cas de carence, sans préjudice des sanctions prévues par la règlementation en vigueur qui prévoir notamment des sanctions disciplinaires (avertissement, blâme, interdiction d’effectuer certaines opérations ou toutes autres limitations dans l’exercice de ses activités, révocation du ou des commissaires aux comptes, suspension ou démission d’office du ou des dirigeants responsables, retrait d’agrément). La base juridique pour les sanctions pécuniaires en cas de carence dans la mise en œuvre des obligations LBC/FT fait l’objet de réflexion en l’état actuel par la doctrine en l’absence des dispositions réglementaires en zone CEMAC.
Le train des sanctions en matière de non-conformité est plus accru en UEMOA avec la Commission bancaire de cette zone, peut-on craindre la même amplitude au moment où plusieurs pays de la CEMAC sont visés par les groupes de surveillance internationaux ?
Le train de sanctions pour les assujettis qui ne respectent pas leurs obligations de vigilance LBC/FT est en effet plus soutenu dans l’UEMOA. Ceci peut se justifier tout d’abord par le nombre important de contrôle sur place et sur pièces que l’autorité de supervision de l’UEMOA à intervalles très réguliers. Ces dernières années, des dossiers pour non-respect des obligations de vigilance en matière de LBC/FT sont instruis et inscris à l’ordre du jour des sessions du Collège de supervision de la Commission bancaire de l’UEMOA. Ce qui conduit nécessairement à un train de sanction important. Les sanctions pécuniaires importantes prises par ce Collège de supervision lors de sa 139 e session le 22 mars 2024 ont alimenté les discussions dans le milieu et permettent de convaincre les derniers récalcitrants à prendre des mesures correctives. Les assujettis sanctionnés ont désormais compris que même si la conformité a un coût, celui -ci est toujours largement inférieur au coût de la non-conformité. D’ailleurs, dans le dernier Rapport de suivi de l’Évaluation du dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération du Cameroun de janvier 2024, il est recommandé d’encourager les autorités de contrôle et de surveillance des IF et des EPNFD à appliquer des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives à l’encontre des assujettis qui n’honorent pas leurs obligations en matière de LBC/FT (AR8/RI). La COBAC et les autorités camerounaises ont jusqu’à septembre 2025 pour justifier de la mise en œuvre effective de cette recommandation.
Les professionnels assujettis doivent donc s’attendre dans l’avenir à une multiplication des contrôles et des sanctions en matière de LBC/FT. Ils doivent, de toute urgence, effectuer une actualisation de leurs politiques et procédures internes afin non seulement d’éviter les sanctions, mais aussi de protéger leur réputation et les conséquences très fâcheuses qui sont souvent observées lorsque le nom d’un assujetti est associé à des affaires de blanchiment.
La formation des établissements assujettis s’avère visiblement indispensable pour les doter des outils et instruments inhérents à la mise à jour de leurs dispositifs internes en matière de LBC/FT ?
La formation des établissements assujettis relève d’une obligation fondamentale qui meublera entre autres les axes de contrôles sur lesquels s’appuiera la COBAC dans les jours prochains. Il est par conséquent recommandé à tous les établissements assujettis de s’abreuver des dispositions du nouveau règlement. Et l’une des opportunités qui leur en est offerte est tirée de l’organisation les 04 et 05 juillet prochains à Douala, d’un séminaire de haut niveau qui répondra notamment à cette exigence de formation et qui va mobiliser l’ensemble des établissements assujettis de la sous-région.