CEMAC : Coronavirus et contrats de crédit bancaire en cours

Face à la pandémie du COVID19, les institutions de la Communauté économique et monétaire d’Afrique Centrale (CEMAC) se positionnent par rapport aux contrats de crédit bancaire en cours. Ces contrats devront être renégociés, rééchelonnés ou reportés dans leurs échéances et ce, à moindres coûts…

On ne le dira pas assez, aujourd’hui le tiers indésirable dans tous les rapports contractuels porte l’appellation COVID-19. Son impact sur l’économie est tel que les institutions du secteur financier de la CEMAC ont du prendre des mesures dans l’optique de restructurer les contrats de crédits bancaires en cours.

L’objectif étant d’être au chevet de l’économie réelle tout en maintenant la stabilité du système financier. La réaction vient notamment du programme des réformes économiques et financières de la CEMAC, de la Commission Bancaire (COBAC), de la Banque des Etats d’Afrique Centrale (BEAC) et à une moindre échelle, de l’Association professionnelle des établissements de crédit du Cameroun (APECCAM).

 Mesures de la CEMAC relatives au crédit bancaire

La banque dans son déploiement mène plusieurs activités dont la plus importante est sans doute l’octroi de crédit. Juridiquement, l’opération de crédit est l’acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d’une autre personne ou prend dans l’intérêt de celle-ci, un engagement par signature tel un aval, un cautionnement ou une garantie. Son également assimilés à des opérations de crédit le crédit-bail, et, de manière générale, toute opération de location assortie d’une option d’achat.C’est ce qui ressort de l’article 6 de l’annexe à la Convention de 1992 portant harmonisation de la réglementation bancaire dans les Etats de l’Afrique Centrale. Le contrat de crédit bancaire est donc l’instrument par lequel les institutions bancaires financent l’économie réelle.

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Dans son rapport sur «  les incidences économiques et financières du COVID-19 sur les économies de la CEMAC et esquisses de solutions », le Programme des Reformes Economiques et Financières de la CEMAC (PREF-CEMAC) recense des conséquences de plusieurs ordres si des moyens techniques et financiers ne sont pas mobilisés afin de garantir la poursuite de ces contrats. Pour ce qui concerne les crédits bancaires, ce programme recommande ainsi d’une part, une incitation des banques à réaménager les échéanciers de leurs créances sur les entreprises affectées par la crise. Dans cette perspective, la COBAC devrait être invitée à examiner avec les banques concernées, les assouplissements qui pourraient être apportés à la surveillance prudentielle pour permettre aux banques de faire face à leur tour aux divers risques auxquelles elles seraient soumises.

D’autre part, le même programme recommande, la mise en place, sous la supervision de la BEAC et de la COBAC, d’un cadre de suivi de la qualité relative du portefeuille de crédit des banques. Ce cadre permettra ainsi d’organiser de manière concertée le réaménagement des échéanciers des crédits bancaires aux entreprises touchées par la crise du COVID-19 ainsi que la diminution du volume des créances en souffrance résultant de l’accumulation par les Etats des arriérés de paiements envers leurs fournisseurs commerciaux.

 Mesures de la COBAC relatives au crédit bancaire

Le secrétariat général de la COBAC réagit quant à lui par la lettre circulaire relative au plan d’urgence pour la gestion des risques induits par la pandémie du COVID19 datée du 25 mars. Il a conscience de ce que la crise «affectera la capacité de remboursement de plusieurs débiteurs », ce qui dégradera la qualité des portefeuilles de crédit et la rentabilité des banques.  La COBAC recommande ainsi, de la prudence en cas de restructuration des prêts accordés à des entreprises appartenant à des secteurs fortement impactés par la crise. Elle invoque le risque d’une forte augmentation des expositions non performantes et des pertes probables. Une situation qui pourrait dégrader significativement l’adéquation des fonds propres et la liquidité des établissements de crédit et de microfinance de la CEMAC.

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Selon le régulateur bancaire, les  restructurations envisagées  devraient ainsi être décidées en toute transparence par les organes compétents tout en se conformant aux prescriptions du règlement COBAC R-2018/01 relatif à la classification, à la comptabilisation et au provisionnement des créances des établissements de crédit et le règlement COBAC EMF R-2017/07 relatif à la classification, à la comptabilisation et au provisionnement des créances des établissements de microfinance.

Concrètement, la restructuration des crédits bancaires consistera à renégocier les conditions initiales de l’octroi du crédit. Il s’agit de l’échéance, du taux d’intérêt et des commissions mais aussi des moratoires et des périodes de grâce.

Par ailleurs, la COBAC veillera particulièrement sur la liquidité des banques, sur la rigueur du partage des dividendes, sur le respect des normes prudentielles et comptables et du plan de continuité des activités. Les banques et les établissements de microfinance devront montrer patte blanche avant le 15 avril prochain.

Mesures de la BEAC relatives au crédit bancaire

Comme l’a fait la Banque centrale en Afrique de l’Ouest (BCEAO), la BEAC, à travers son Comité de politique monétaire, a réagi en date du 27 mars dernier à la faveur d’une réunion tenue en visioconférence. La banque centrale entend mener plusieurs actions liées aux établissements de crédit. Ces actions partent du renflouement des banques en billets, l’appel à la baisse des conditions de banque mais surtout le rééchelonnement sur 1 an des crédits consolidés et la révision à la baisse des taux d’intérêt des appels d’offres et de facilité de prêt marginal.

Mais, à côté de la BEAC, les professionnels n’ont pas manqué de réagir. Ainsi, au Cameroun par exemple, l’APECCAM préconise dans un communiqué de presse en date du 24 mars que les banques d’accord avec les clients, recherchent les moyens compréhensibles de gestion classique de la renégociation des dettes bancaires afin d’accompagner et de soutenir les agents économiques qui auraient besoin de renégocier leurs contrats et leurs échéanciers de remboursement. De plus, elle incite les banques à reporter d’un an le remboursement des crédits dus par les entreprises tout en supprimant les pénalités et coûts de reports d’échéances et des crédits.

Landry Mballa et Willy Zogo