Avant de questionner la règle applicable, il faut comprendre comment fonctionne le PAY GO solaire. Ce mécanisme innovant de finance durable fonctionne sur la base de partenariat entre différents opérateurs économiques dont les intérêts convergent :
- un fabricant d’équipement de production d’électricité ;
- un distributeur d’équipement ou fournisseur d’électricité ;
- un développeur de logiciels ;
- un opérateur de téléphonie mobile ;
- un investisseur (le cas échéant) qui peut être aussi partenaire en apportant les fonds nécessaires à la mise en œuvre du projet.
Dans la pratique, quatre types de business modèles PAYG ont à ce jour été expérimentés[1] :
- Exclusivité d’un OTM : Modèle exclusif dirigé par un Opérateur de Téléphonie Mobile (OTM) qui lance ses propres activités PAYG en offrant des services de vente au détail de système solaire et le financement de ses clients. Il a l’avantage de disposer d’un réseau de distribution propre et éventuellement vaste, permettant aux clients de rembourser via mobile money. Cependant, il peut être confronté à des défis réglementaires lorsqu’il s’agit de financer l’acquisition du système par les clients.
- Co-branding : Modèle exclusif de co-branding entre un OTM et une société PAYG dans des marchés où cette dernière distribue des produits sans marque forte et de qualité inférieure, et ne connaît pas bien le marché. Dans ce cas de figure, la notoriété de l’OTM peut être un atout.
- Diversification : Modèle diversifié où, pour développer de nouveaux segments de clientèle, l’OTM crée un écosystème en combinant le smartphone avec le système solaire PAYG et d’autres appareils qui améliorent la vie, tels que des réfrigérateurs, le gaz de cuisson, des téléviseurs et des pompes à eau solaires.
- Partenariat avec un financier : cet autre type de partenariat est possible entre une société PAYG et une institution financière qui prêterait directement aux clients. Ce partenariat facilite le paiement du premier versement à l’achat du système solaire par le client, et permet ainsi à la société PAYG d’améliorer son taux de remboursement.
DÉFIS
Le PAYG solaire pose plusieurs défis dont certains sont financiers et d’autres juridiques. Sur le plan financier, le prix de l’électricité est souvent supérieur au prix de l’électricité délivrée par le réseau national ; les taxes douanières peuvent être lourdes sur les produits importés ; les promoteurs peuvent avoir de la difficulté à vérifier la solvabilité des clients avant de contracter avec eux et variabilité saisonnière des revenus des consommateurs ( Absence de Bureau d’Information sur le Crédit au Cameroun) et le faible soutien des institutions financières ou même l’absence de soutien du fait des taux d’emprunts élevés et donc peu propices à l’expansion des activités des entreprises.
Sur le plan de la réglementation : les autres expériences en Afrique et ailleurs ont souvent fait face à une faible régulation du marché de l’électricité solaire autonome (notamment les systèmes solaires domestiques et les lampes solaires) ainsi qu’à une application limitée des normes sur la qualité des produits importés.
RÉGULATION DU MARCHÉ DE L’ÉLECTRICITÉ SOLAIRE AUTONOME AU CAMEROUN
Au vu de tout ce qui précède, on se pose une question : est-ce que la législation camerounaise est bloquante ou permissive pour le fabricant d’équipement de production d’électricité, le distributeur d’équipement ou fournisseur d’électricité, le développeur de logiciels, l’opérateur de téléphonie mobile et l’investisseur qui apporte des fonds nécessaires à la mise en œuvre du projet ?
La loi n° 2011/022 du 14 décembre 2011 régissant le secteur de l'électricité au Cameroun reconnait le solaire comme une source d’énergie durable qu’elle soit solaire photovoltaïque (issue de la conversion de la lumière du soleil en courant électrique par effet photovoltaïque des matériaux semi-conducteurs photosensibles) ou solaire thermique (produite par effet des rayons du soleil sur un fluide donnant lieu à la production des vapeurs devant entraîner les turbines).
Un régime de licence, aux termes de l’article 29 de cette loi, s’impose aux « opérateurs techniquement qualifiés et ayant des garanties financières » qui veulent procéder à la production indépendante d'électricité ; à la vente de l'électricité de très haute, haute et moyenne tension et à l'importation et l'exportation de l'électricité.
La même réglementation prévoit que l'exercice d'une activité de distribution d'électricité en vue de fournir en zone rurale, directement ou indirectement, une puissance inférieure ou égale à 1 MW, est autorisée par l'Agence de Régulation du Secteur de l'Electricité, dans des conditions fixées par voie règlementaire. De plus, ces autorisations ne peuvent en aucun cas porter atteinte aux droits acquis par les concessionnaires tels que définis dans leur contrat de concession.
Le décret n°2012/2806/PM du 24 septembre 2012 portant application de certaines dispositions de la loi du 14 décembre 2011 régissant le secteur de l’électricité attenue les possibilités en précisant que les concessions et licences de production sont octroyées par appel d'offres. C’est donc visiblement à l’administration camerounaise de décider du lancement de la production autonome sous licence, y compris le solaire destiné au PAYG. Cette barrière semble ne pas concerner le transport, la distribution, la vente, l'exportation, de l'importation d'électricité et de l'ensemble de leurs autres activités.
Si une société veut réaliser du PAYG solaire au Cameroun, elle semble devoir obtenir une licence de production et une licence de vente sauf à s’associer avec un autre acteur qui peut être un concessionnaire. Mais, en sus, elle doit attendre un appel d’offres administratif.
Autre question, est-ce que les OTM peuvent faire du PAYG au Cameroun à la lumière de la loi n°2010/013 du 21 décembre 2010 régissant les communications électroniques au Cameroun, modifiée et complétée par la loi du 20 avril 2015 ou encore le Décret N° 2012/1638/PM du 14 juin 2012 fixant les modalités d’établissement ou et d’exploitation des réseaux et de fourniture des services de communications électroniques soumis au régime de l’autorisation ? Avant toute chose, il faut indiquer que, pour les paiements mobiles, leurs filiales peuvent parfaitement assurer l’aspect paiement mobile comme partenaires au vu des dispositions du Règlement du 21 décembre 2018 relatif aux services de paiement dans la CEMAC et des ses textes subséquents (règlement COBAC R-2019/01 relatif à l’agrément et aux modifications de situation des prestataires de services de paiement et du règlement COBAC R-2019/02 relatif aux normes prudentielles applicables aux établissements de paiement, tous pris le 23 septembre 2019). Pour ce qui est de savoir si un OTM peut en l’état actuel du droit faire du PAYG, il faut répondre qu’a priori, aucun obstacle réglementaire n’est perceptible mis à part l’obligation d’obtenir une licence convenable et réviser sa licence obtenue auprès de l’Agence de Régulation des Télécommunications.
En tout état de cause, le système Pay-as-you-go (PAYG) apporte aux ménages ruraux l’énergie solaire, propre et renouvelable en s’appuyant sur un mode de financement innovant : il permet d’acheteur le système solaire contre un premier versement modeste à l’installation et un remboursement s’étalant généralement sur 12 à 24 mois. Au Cameroun, les OTM peuvent juridiquement lancer du PAYG solaire dans les zones rurales, il en va de même des entreprises de PAYG, mais dans des conditions juridiques connues et strictes…
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[1] V. Rapport annuel 2019 de l’initiative Mobile for Development du GSMA.