« Pays possédant des richesses minières dépassant l’imagination, la République Centrafricaine ouvre la voie à l’accès à ces ressources de la manière la plus démocratique et la plus transparente, permettant aux investisseurs de toutes les tailles d’acheter des actifs, mais aussi de bénéficier de facilités telles que la citoyenneté, l’e-résidence et la terre, basées sur la monnaie SANGO qui régira pratiquement tout l’écosystème économique du pays ». Ces propos ressortent du communiqué de presse de la Présidence de la République de RCA du 21 juillet 2022, n° 0018/PR/DIRCAB/22.
En clair, l’offre présentée sur le site internet officiel dédié au SANGO en destination des Token-Investisseurs est claire.
- Les investisseurs étrangers pourront acheter la citoyenneté centrafricaine pour 60.000 dollars en crypto monnaies à condition de détenir des Sango-coins équivalents pendant au moins 5 ans.
- Les investisseurs pourront acheter la « e-résidence » pour 6.000 dollars en Sango-coins détenus pendant au moins 3 ans.
- Les investisseurs pourront acheter un terrain de 250 mètres carrés pour 10.000 dollars en Sango-coins détenus pendant 10 ans.
- Les investisseurs pourront, via la tokénisation des ressources naturelles, acquérir lesdites ressources naturelles pour un prix et des quantités qui ne sont
pas encore annoncés.
CONTRE ARGUMENTS A LA TOKENISATION DES RESSOURCES NATURELLES CENTRAFRICAINES
Pour certains Centrafricains, cette recherche des investisseurs en cryptomonnaies et surtout la commercialisation du terrain et des ressources naturelles par le 3.0 ou par un univers parallèle virtuel, constitue une braderie incontrôlée. C’est par exemple à ce titre que le 1er août 2022, le Conseil Constitutionnel de RCA a reçu une requête de la part de 6 Centrafricains avec pour que soient déclarés contraires à la Constitution, et par voie de conséquence annulés, les actes du Président de la République qui, sous couvert de politique nationale de la crypto-monnaie, organisent la vente de la nationalité, du sol et du sous-sol centrafricains.
Les arguments avancés contre la Tokenisation des ressources naturelles centrafricaines sont les suivants ;
- il ressort de la Constitution du 30 mars 2016, prise spécialement en son article 80, qu’il revient au législateur et donc, au jour d’aujourd’hui, à l’Assemblée nationale de fixer les règles relatives à la protection de l’environnement, ainsi qu’aux régimes domaniaux, fonciers, forestier, pétrolier et minier. Une procédure, telle que celle instaurée par les actes attaqués, d’acquisition automatique de terres et de ressources naturelles sans se soumettre aux
conditions et procédures fixées par la loi, revient de fait à ajouter à la loi, voire à l’abroger. L’Exécutif étant radicalement incompétente pour édicter de telles règles, les actes attaqués sont ainsi manifestement contraires à la Constitution de ce chef. - La même Constitution de la RCA affirme, en son préambule qui en est « partie intégrante » aux termes mêmes de ladite Constitution, le droit inaliénable du Peuple centrafricain au plein exercice de la souveraineté sur son sol, son sous-sol et son espace aérien. Il se déduit de cette disposition, qui résulte d’une des recommandations fortes du Forum de Bangui, qu’il ne peut être disposé de la terre et des ressources naturelles de la République Centrafricaines que par le Peuple souverain, soit directement, soit par le biais de ses représentants. Cette interprétation se trouve confortée par le fait que, tiré lui aussi des recommandations du Forum de Bangui, l’article 60 alinéa 2 de la Constitution soumet tout contrat en la matière à une double exigence : requérir et obtenir
l’autorisation préalable des Représentants de la Nation (Assemblée nationale), d’une part, et rendre public le contrat, d’autre part. Or, le propre du dispositif mis en place par les actes attaqués est de ne satisfaire à aucune de ces deux exigences constitutionnelles.
Sans attendre l’issue de cette procédure de contentieux constitutionnel, un intérêt certain s’associe aux questions soulevées : Qui (personne physique autant que personne morale) peut juridiquement et valablement tokeniser un bien ? A l’évidence, les problématiques de propriété juridique des biens objets de Tokenisation va s’étendre dans l’univers virtuel des NFT (Non Fongible Token).
Selon Blockchain France, la « tokenisation » est la création de la représentation numérique d’un actif sur une blockchain. En d’autres termes, elle désigne l’inscription d’un actif et de ses droits sur un token afin d’en permettre la gestion et l’échange en pair-à-pair sur une blockchain, de façon instantanée et sécurisée. Aujourd’hui, en plus des actifs financiers et incorporels (parts sociales, brevets, crédits carbones, droits d’auteur…), les actifs du monde réels sont tokenisables ( Immeubles commerciaux, Tableaux artistiques).
Rappelons que dans le Règlement ministériel organisant le fonctionnement du marché financier de la CEMAC, (article 76 nouveau), les exigences relatives à l’appel public à l’épargne s’appliquent désormais également au placement de jetons numériques (TOKEN). Le même texte explique que, constitue un jeton tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement le propriétaire dudit bien. La COSUMAF y est chargée de définir, dans son Règlement Général et ses instructions, des dispositions spécifiques pour le placement desdits jetons.
Willy ZOGO