INTERVIEW | Junior TCHOKOTE : "L’Acte uniforme relatif au contrat de transport des marchandises accuse fatalement des pesanteurs après 20 ans "

Pénée Eric Junior TCHOKOTE, Expert – Juriste des transports a été au centre d'un séminaire de formation sur le thème : "Le contentieux des contrats de transports routiers et multimodaux trans-routiers de marchandises dans les États de la CEMAC " tenu à l'hôtel Sawa de Douala du 3 au 5 avril 2025. Il revient sur cet évènement 

Une attitude du séminaire (c) Auteur.

Qu’est – ce qui a justifié aujourd’hui l’organisation d’un contentieux des contrats de transports routiers et multimodaux trans-routiers de marchandises dans les États de la CEMAC ?

L’organisation de ce séminaire tient à la grande mouvance multimodale ou « door – to – door » des transports actuels de marchandises, dont le segment routier constitue la pierre angulaire en Afrique subsaharienne et spécifiquement centrale. En effet, plusieurs entreprises de transports (maritimes, voire aériens) offrent désormais des prestations qui intègrent tous les modes (transports dits intégrés) et particulièrement ceux par route,  le rail et surtout le fleuve n’étant pas encore suffisamment développés dans nos contrées.

Quel retour avez-vous eu à la fin de cette rencontre de part des participants ?

Les impétrants étaient tous satisfaits et n’ont pas manqué d’exprimer leur joie ainsi que leur ardent désir de voir de telles formations se multiplier, l’idée étant de scruter tous les méandres les plus pertinents du contentieux des transports en général et ceux routiers en particulier.

En quoi consiste concrètement le contentieux des contrats de transports routiers et multimodaux trans-routiers de marchandises dans les États de la CEMAC ?

Ce contentieux consiste généralement en l’ensemble des moyens de résolution des différends nés du déplacement de cargaisons par route (en principal, ainsi qu’en pré ou post-achéminement), lorsque les phases amiables n’ont pu permettre d’aboutir à un consensus. Il s’agit de cerner le cadre réglementaire, mais aussi les règles de procédure et de mise en œuvre de la responsabilité des litigants en hypothèse de résolution du différend devant le juge étatique ou l’arbitre désigné.

Quelles sont les pistes d’évitement de ce type de contentieux ?

Bien évidemment le moyen d’évitement le plus simple est la parfaite exécution des différentes obligations contractuelles. Mais en cas de survenance d’un dommage, il est idoine de faire un arrangement à l’amiable. L’on pourrait évoquer les modes alternatifs de règlement des différends que sont entre autres la négociation, la médiation ou la conciliation.  Il faut préciser ici que l’assurance des marchandises ne constitue qu’une technique de transfert du contentieux des contrats de transport, des ayants – droit aux biens vers l’assureur solvens qui subrogerait  son assuré lésé.

Diriez-vous que l’acte uniforme de l’OHADA y relatif est encore à la hauteur des attentes en matière de contentieux des transports routiers des marchandises ?

L’Acte uniforme, plus de 20 ans après son adoption accuse fatalement des pesanteurs, notamment quant à son délai de prescription annal (alors que le Code de la marine marchande de la CEMAC prévoit 2 ans), son silence sur la qualité professionnelle du transporteur (intégration des transports occasionnels ou clandestins ?), etc.

Quelles sont les pistes de solutions correctives pour un traitement efficace de ce type de contentieux ?

Nous souhaiterions simplement que les pesanteurs sus – mentionnées, et bien d’autres encore, soient corrigées par une révision de cet Acte uniforme, en tenant compte des évolutions les plus récentes du commerce international de marchandises. Cela rendra le texte plus digeste et permettra à tous de gérer plus efficacement le contentieux des contrats de transport routier. Il est aussi commode de s’appesantir sur la réglementation communautaire des transports multimodaux qui continue de constituer une gageure en Afrique centrale.

Un mot de fin ?

La CEMAC compte actuellement deux pays enclavés dont le commerce extérieur dépend entièrement du transit routier de marchandises par des Etats côtiers. La ZLECAf quant à elle entend réaliser l’intégration africaine et développer le commerce intracontinental via les échanges inter – régionaux. Sans les routes, point de développement économique, social culturel, etc… Et sans le droit des transports routiers et multimodaux trans – routiers, point de justice dans le trafic national, et international de biens. Nous devons donc tous nous y mouvoir, chacun dans son domaine de compétence respectif (magistrats, avocats, transporteurs, chargeurs, décideurs politiques, organisations internationales, société civile, chercheurs, etc…) !