OHADA : L'acte uniforme sur le recouvrement des créances sera révisé et divisé en 2

Le secrétaire permanent de l’OHADA, Pr Sibidi Darankoum (Photo) vient d’initier le processus de révision de l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AUVE). Un appel a été lancé le 16 septembre dernier pour recruter les experts devant s’en charger. 

L’application de l’AUVE depuis son adoption le 10 avril 1998, suscite de nombreuses difficultés ainsi qu’un abondant contentieux devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA). On ne le sait que trop, les données de la CCJA indiquent que près de 75% des litiges soumis à la haute juridiction implique l’AUVE, ce qui dénote des problèmes posés aux acteurs économiques par l’application de ce texte. 


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Au rang de ces difficultés, figurent l’appréciation du caractère certain de la créance susceptible de justifier le recours à la procédure d’injonction de payer ; la nature juridique de l’acte constatant la non-conciliation ; l’identification du juge en charge du contentieux de l’exécution ; le régime des nullités instituées par l’AUVE ; la détermination des personnes bénéficiaires de l’immunité d’exécution ; les conditions d’application de l’astreinte ; la réquisition du Ministère public dans certains pays ; la vigilance du juge de l’urgence sur la solvabilité du bénéficiaire d’une décision assortie de l’exécution provisoire. 

Près de 75% des litiges soumis à la haute juridiction implique l’AUVE.

Dans le même sens, les juges et les praticiens du droit font également face à l’incomplétude des dispositions de l’article 94 de l’Acte Uniforme sur le recouvrement et les voies d’exécution ainsi que la problématique de la possibilité de signifier le commandement à parquet ou à Mairie au débiteur. Ils sont aussi confrontés à la problématique des dispositions des articles 38 et 156 liée à la pluralité des saisies en matière de saisie attribution et l’enrichissement sans cause des créanciers saisissants. A cela se greffe la question de l’office des juges de l’urgence et leur vigilance avant d’ordonner une décision assortie de l’exécution provisoire au profit du bénéficiaire en ayant un droit de regard sur sa solvabilité. 



La pratique révèle aussi le besoin d’harmonisation des articles 49 et 172 de l’AUVE, pour mettre en conformité les délais de saisies. Dans le même sens, elle souligne les difficultés liées aux conditions de mise en œuvre de la responsabilité du tiers saisi défaillant, au régime de l’exécution provisoire des décisions de justice ainsi qu’ aux conditions d’exercice de l’appel en matière de saisie immobilière. 

 

Des difficultés et tant d’autres 

Aux problèmes précédents, il faut ajouter que : « La pratique des procédures d’injonction est loin de procurer la satisfaction escomptée. En cas d’opposition formée par le débiteur contre l’ordonnance d’injonction, la procédure voulue simplifiée et rapide s’enlise généralement, au point de générer parfois un délai de traitement plus important qu’une procédure au fond. 

Les longs délais engendrés par les procédures d’opposition et d’appels couplés à la mauvaise foi de certains débiteurs, usant abusivement des procédures dilatoires sont identifiés comme étant des obstacles majeurs. 

De même l’immunité d’exécution dont bénéficient les personnes publiques fait l’objet de critique acerbe de la part de certains opérateurs économiques et ne permet pas d’assurer l’essor du droit des affaires dans l’espace OHADA ».

Face à ces critiques formulées contre des écueils qui plombent depuis 22 ans l’efficacité du recouvrement des créances dans les Etats parties de l’OHADA, un cabinet d’expert est en cours de recrutement. Sa mission, auditer le texte et se prononcer sur l’opportunité d’un projet d’Acte uniforme révisé couvrant toute la matière ou de deux projets de textes distincts, portant l’un sur les procédures simplifiées de recouvrement et l’autre sur les voies d’exécution.

 

Les axes de la révision

L’avant-projet d’Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement devra clarifier : la définition de la compétence matérielle ; la clause attributive de compétence ; l’harmonisation des dispositions relatives à l’injonction de payer avec celles relatives à l’injonction de délivrer ou de restituer ; l’organisation de la procédure en appel et en cassation ; la précision des effets de l’irrecevabilité de l’opposition à injonction de payer ; la fixation d’un délai dans lequel le président de la juridiction compétente doit statuer ; la délégation expresse du président à un juge comme en matière de contentieux de l’exécution de l’article 49 et l’effet substitutif du jugement statuant sur l’opposition et la compatibilité entre les procédures simplifiées et les voies d’exécution.


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De même, l’Avant-projet d’Acte uniforme sur les voies d’exécution devra apporter des solutions sur : la clarification de la qualité de tiers saisi ; l’énonciation d’un ordre de priorité pour le paiement des différentes catégories de créanciers, en cohérence avec l’Acte uniforme portant organisation des sûretés ; la délimitation du champ de compétence des juridictions ainsi que celui du juge d’exécution et l’accélération des procédures de recours ou encore l’encadrement de la protection immunitaire des entités de droit public . 

La réforme devant être présentée en langues anglaise, espagnole et portugaise intervient dans le cadre du Projet d’amélioration du climat des investissements (PACI) financé par la Banque mondiale. Elle doit être achevée d’ici 2021. 

DMF