Aux termes de l’article 1er de l’Acte Uniforme de l’OHADA révisé portant organisation des sûretés, « une sûreté est l’affectation au bénéfice d’un créancier d’un bien, d’un ensemble de biens ou d’un patrimoine afin de garantir l’exécution d’une obligation ou d’un ensemble d’obligations, quelle que soit la nature juridique de celles-ci et notamment qu’elles soient présentes ou futures, déterminées ou déterminables, conditionnelles ou inconditionnelles, et que leur montant soit fixe ou fluctuant ».
La sûreté est accessoire de l’obligation dont elle garantit l’exécution. Elle représente pour le créancier, une garantie inestimable lui permettant de sécuriser sa créance et d’espérer au mieux d’être payé en cas de défaillance du débiteur. Elle constitue un élément de valorisation du crédit car garantissant l’exécution d’un engagement financier.
Lire aussi : [TRIBUNE]: Aperçu sur la cartographie des risques inhérents à la pratique de l’activité de microfinance en zone CEMAC
Dans le paradigme des sûretés, il y’a le cautionnement, une garantie consubstantielle à la sécurisation de la créance. Le législateur OHADA définit le cautionnement comme le contrat par lequel la caution s’engage, envers le créancier qui accepte, à exécuter une obligation présente ou future contractée par le débiteur, si celui-ci n’y satisfait pas lui-même (art 13 de l’AUS). Cet engagement peut être contracté sans ordre du débiteur. A ce titre, le cautionnement est considéré comme la sûreté personnelle par essence, suite logique de l’engagement d’une personne de répondre de l’obligation du débiteur principal en cas de défaillance de celui-ci.
La solvabilité de la caution comme fondement du cautionnement
En tant que garantie, le cautionnement n’a de véritable valeur qu’en considération de la capacité financière de la caution. Ainsi, le législateur OHADA exige que la caution présente des garanties de solvabilité appréciées en tenant compte de tous les éléments de son patrimoine (art 15 al 3 de l’AUS). Elle doit donc pouvoir jouir d’une surface financière établissant une présomption de solvabilité et lui permettant de couvrir les engagements du débiteur principal.
Le créancier qui accepte la caution va la jauger au préalable et analyser minutieusement son aptitude à pouvoir venir au secours du débiteur le cas échéant. Toutefois, en cas d’incertitude sur quant aux aptitudes réelles de la caution, un supplément lui est offert : la certification de la caution.
La caution de la caution ?
En effet, il est possible pour la caution de se faire cautionner par un certificateur, désigné comme tel dans l’acte de cautionnement (art 21 de l’AUS). Le certificateur de la caution garantit non pas la dette principale du débiteur mais simplement l’engagement de la caution. On pourrait donc penser qu’il n’existe a priori aucune relation directe entre le débiteur principal et le certificateur ; c’est certainement la raison pour laquelle la certification de la caution est réputée simple, ce qui veut dire que le certificateur peut subtilement opposer au créancier les bénéfices de discussion voire de division. Il s’agit d’une sûreté quasiment inutilisée dans la pratique mais qui peut s’avérer pertinente car rajoutant du grain à moudre à l’assiette de la garantie.
A lire : [TRIBUNE] : La mise en oeuvre du pacte commissoire en Droit OHADA (2)
Elle s’apparente grandement au cautionnement réel. En effet, par le cautionnement réel, la caution peut garantir son engagement en consentant une sûreté réelle sur un ou plusieurs de ses biens (et donc limiter son engagement à la valeur de la réalisation de ce bien). C’est ainsi dans le cas d’une caution hypothécaire, d’un cautionnement par gage ou d’un cautionnement par nantissement.
La certification de la caution s’apparente aussi à une opération de réassurance ; il faut cautionner la caution en raison des craintes relatives à la volatilité de son patrimoine. Bien évidement, il est encore plus facile pour le créancier d’agir sur un bien précis, apporté en sûreté par la caution que sur l’ensemble de son patrimoine. Mais qui mieux qu’un assureur notoirement solvable, peut opérer la réassurance d’un risque manifestement élevé ? D’où l’appel aux établissements de crédit.
Etablissements de crédit : des certificateurs agréés de fait
Aux termes de l’article 1er du Règlement COBAC R-2009/02/ portant fixation des catégories des établissements de crédit, de leur forme juridique et des activités autorisées, les établissements de crédit sont des organismes qui effectuent à titre habituel des opérations de banque, c’est-à-dire la réception des fonds du public, l’octroi de crédits, la délivrance des garanties en faveur d’autres établissements de crédit, la mise à la disposition de la clientèle et la gestion des moyens de paiement. Il s’agit d’un certain nombre d’activités strictement réglementées et dont la pratique requiert un dispositif de conformité aux exigences du régulateur en matière de liquidité, de rationnement du crédit et de rationalisation des engagements.
Dans la structuration des garanties, les établissements de crédit jouent un rôle essentiel très souvent comme bénéficiaires mais parfois aussi comme constituants. Ainsi, lorsqu’ils sont appelés à garantir une opération, ils ont un avantage comparatif significatif et apportent comme une onction de transparence et de bonne exécution. Ils jouissent d’une importante présomption de solvabilité ce qui fait d’eux, des personnes ressources pour l’exercice de la fonction de certification de la caution. Il ne faut pas percevoir ici le terme ‘’ fonction ‘’ au sens d’une obligation car la certification de la caution tout comme le cautionnement demeure un contrat soumis au consentement libre du certificateur. Seulement par fonction nous entendons prérogative exclusive.
A Lire aussi : [TRIBUNE ]: La difficile qualification du blanchiment des capitaux dans l’espace OHADA
Il est avéré que la difficulté des sûretés personnelles réside dans l’appréciation de leur capacité financière. C’est certainement pourquoi dans la pratique, pour de grosses opérations, les créanciers ont tendance à réclamer à la caution, la fourniture d’un supplément de garantie.
Le certificateur de la caution doit pouvoir jouir d’une surface financière bien plus large que la caution et donc bénéficier d’une plus grande présomption de solvabilité. Du point de vue du management du risque, les établissements de crédit et dans une moindre mesure les établissements de Microfinance de 2e Catégorie apparaissent comme les acteurs les mieux placés pour remplir le rôle de certificateurs de caution.
En faisant un parallèle avec le Droit des marchés publics, il ressort des articles 140 al 1 et 2 du décret n°2018/366 du 20 juin 2918 portant Code des marchés publiques que « le cautionnement peut être remplacé par la garantie d’une caution d’un établissement bancaire agrée » certainement dans le cadre d’une caution de soumission. Sans oublier que « les titulaires des marchés publics doivent fournir des garanties émanant d’organismes financiers ayant reçus l’agrément du Ministre en charge des finances (…) ». On perçoit clairement au regard de ces textes, une tendance à vouloir réserver le cautionnement des marchés publics aux seules institutions financières.
La complémentarité évidente
Tout comme l’exigence d’un cautionnement réel servant d’appui substantiel à son engagement, le problème de certification de la caution ne se posera pas si l’on est face à une caution notoirement solvable. Il ne se pose réellement que lorsque pour une grosse opération, on est face à une caution porteuse de multiples engagements ou contre laquelle on perçoit des éléments à même d’entraîner une dégradation de sa capacité financière à terme.
La certification de la caution apparaît donc comme une fonction transversale qui transcende la simple volonté de s’engager pour le compte de la caution, et se pose bien plus comme un quitus donné au créancier, de faire confiance à la caution.
Si cette sûreté n’est pas toujours convoquée par les praticiens c’est en raison de la difficile réponse à la question : « qui peut mieux certifier la caution ? » . L’objectif n’étant pas de créer des cautionnements en chaîne et à n’en plus finir mais de rationaliser la mise en œuvre du cautionnement en intégrant les contingences relatives au périmètre patrimonial de la caution pour le compléter par une garantie superposée.
Du même auteur : [TRIBUNE] : Aperçu des techniques bancaires et financières de rééquilibrage de la trésorerie d’entreprise
De ce fait, les normes prudentielles imposées aux établissements de crédit (respect du ratio de liquidité soit dépôt à vue/engagement à courts termes = 100% ; exigence de fonds propres ...), leur masse capitalistique ou encore l’agrément de gestionnaire de l’épargne publique dont ils bénéficient, font d’eux des acteurs de premier plan pour la dynamisation de cette sûreté.
In fine, dire que la fonction de certification de la caution doit être réservée aux seuls établissements de crédit n’est pas faire preuve de discrimination, mais simplement appeler à la consécration d’un constat empirique dans le but de stimuler la constitution de cette garantie.
Une question subsiste, qui mieux qu’un établissement de crédit pour certifier une caution sur laquelle pèse de multiples engagements ou contre laquelle on perçoit des signes possibles de dégradation du patrimoine ? En tout état de cause, le débat reste ouvert.
Boris Minlo Enguele