A l'article 8 de la Décision n° 016/10/18 portant enregistrement de ce nouvel emprunt obligataire mené par le récent ministre des Finances, Louis Paul Motazé, la CMF, gendarme du marché financier camerounais, regrette que :
"Le Cameroun reste l'un des rares pays où, pour l'émission d'un emprunt obligataire par l'Etat, il est fait recours à un marché public entre l'Etat et le(s) prestataire(s) pour la conduite de l'opération".
En réalité, selon le président Jean claude NGBWA et les membres de la CMF, cela constitue une contrainte qui ne correspond pas aux standards internationaux en la matière.
En effet, dans la pratique et le droit à l'international, les contrats de services financiers à l'instar des emprunts obligataires, sont exclus des marchés publics parce que régis par l’intuitu personae ( comprendre un rapport de confiance fondé sur une personne ) et la discrétion des affaires.
Ainsi, dans l'Union Européenne, le droit exclut des marchés publics, les services financiers liés à l’émission, à la vente, à l’achat ou au transfert de titres ou d’autres instruments financiers au sens de la Directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil.
Si on veut trouver une raison à cela, il faut dire sommairement que dans les marchés publics, l'Etat est en position de force. Il peut ainsi insérer une clause exorbitante qui lui permet de modifier le contrat comme bon lui semble ou encore, de rompre le contrat même sans faute de personne en face.
Signalons que pour cet emprunt, les prestataires qui sont passés par un marché public sont : Société générale, Afriland first bank, Ecobank - EDC investment corporation.
En fait, pour revenir aux emprunts obligataires de l'Etat, on comprend que les banques et des Prestataires de services d'investissement qui aident l'Etat ne doivent pas être exposés à un tel pouvoir exorbitant comme cela se fait au Cameroun. Si l'on maintient la procédure des marchés publics pour l'accompagnement de l'Etat, on devrait aussi l'admettre quand l'Etat va emprunter directement de l'argent auprès de la banque. En tout cas, la Commission des marchés financiers pense que cela ne fait pas sens. Et la pratique internationale lui donne raison.
Imaginez que l'on applique les marchés publics à tous ces contrats de confiance où l'Etat doit en réalité agir comme une personne privée qui a besoin d'aide, c'est le cas de la sélection d'un avocat pour l'Etat, d'un arbitre devant trancher un litige impliquant l'Etat lui-même, ou d'un notaire.
En tout état de cause, les membres de la CMF recommandent ainsi à l'Etat de "s'en tenir" pour ses prochains emprunts obligataires à un simple contrat de mandat aux banques et aux Prestataires de services d'investissement qui se chargeront des opérations.
Ce n'est en réalité pas la première fois que la CMF souligne cette lourdeur dans le mécanisme d'emprunt obligataire.
En fait, selon Décret n°2018/366 du 20 juin 2018 portant Code des Marchés Publics au Cameroun, le marché public est un contrat écrit passé conformément au code des marchés publics, par lequel un entrepreneur, un fournisseur, ou un prestataire de service s'engage envers l'Etat, une collectivité territoriale décentralisée ou un établissement public, soit à réaliser des travaux, soit à fournir des biens ou des services moyennant un prix.
Rappelons que malgré ces vives réserves, la CMF a pris la décision d'enregistrement de l?emprunt obligataire « ECMR 5,6 % net 2018-2023 » le 19 octobre 2018, pour que soient mobilisés les 150 milliards F CFA sollicités en raison de 10 000 FCFA par Obligation. Ces fonds doivent financer des projets à travers le Cameroun. Ces projets roulent sur la construction, l?entretien ou le bitumage de routes et autoroute, les aménagements du deuxième pont sur le Wouri, les stades et les annexes de stades de football en construction en vue de la CAN 2019 de Football ou encore la construction de barrages hydroélectriques de Bini a Warak et Memve?ele.
Willy S. ZOGO