UNION AFRICAINE : Quelles règles juridiques pour l'Agence africaine de notation du crédit annoncée en septembre 2025 ?


Par Jesus POUTH |


Des sources médiatiques concordantes, L’AfCRA sera officiellement lancée en septembre 2025. Un léger glissement par rapport à l’échéance de juin 2025 annoncée depuis le début d'année. Mais quels pourront être les règles juridiques applicables ? 

En décidant de la mise sur pied de l’AfCRA ou Agence africaine de notation du crédit, l'Afrique semble ne plus vouloir dépendre des « Big Three » ( Moody's, Fitch et S&P Global) pour définir et défendre son récit économique. Elle arrive comme alternative aux agences de notation américaines souvent très loin des réalités africaines selon les experts. Cette grande ambition a pris un tournant décisif à l’occasion du sommet des chefs d'État et de gouvernement de l'Union africaine du 14 février 2025 à Addis-Abeba.

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Facilité par le Mécanisme africain d'évaluation par les pairs (MAEP), l'événement a réuni également des experts financiers et des partenaires au développement pour débattre de l'opérationnalisation d'une agence de notation de crédit dédiée au continent. Il y a été question de réaffirmer la volonté politique et l'engagement collectif en faveur de la création de l'AfCRA ; de discuter de l'état d'avancement des travaux techniques en cours ; souligner le rôle de l'AfCRA dans le soutien à la stabilité financière et à la croissance de l'Afrique puis d’explorer les possibilités de collaboration avec les partenaires de développement et les institutions financières internationales.

FORME JURIDIQUE ET INDEPENDANCE

Dans la pratique, deux modèles institutionnels principaux sont usités par l'UA pour établir de nouvelles institutions qui ont été envisagés pour l'AfCRA. Soit l'établir en tant qu'organe de l'UA financé par les contributions des États membres, soit l'établir en tant qu'agence spécialisée autonome de l'UA financée par elle-même. Compte tenu de la nature de l'activité de notation, qui exige crédibilité et indépendance, l'option d'une institution autonome a été suggérée comme étant viable. La Banque africaine d'import-export (Afreximbank) et l'agence Africa Risk Capacity (ARC) sont des institutions similaires autonomes, dont les modèles sont reproduits par l'agence de notation panafricaine.

Sur le modèle purement juridique, l'AfCRA sera donc une agence de notation spécialisée indépendante de l'UA, avec un actionnariat de gouvernements africains par le biais d'une propriété directe, ou par le biais de leurs institutions publiques ou de leurs institutions désignées, d'autres agences de notation panafricaines, d'institutions financières multilatérales et d'institutions financières nationales africaines.

Pour son indépendance, sa structure de financement veut que l'agence doive adopter le modèle commercial « émetteur-payeur » universellement et scientifiquement établi, qui est actuellement utilisé dans l'industrie de la notation de crédit. Elle sera entièrement financée par ses actionnaires grâce à un capital d'amorçage provenant d'autres agences de notation panafricaines, des prêts d'institutions financières panafricaines , et par la suite devrait être autosuffisante grâce aux revenus générés par ses services.

Les réglementations nationales et sous régionales de notation financière en Afrique ne devraient plus s'appliquer à l'Agence autant le droit bancaire local ne s'applique pas sur certains aspects majeurs à la Banque africaine d'import-export (Afreximbank).  

L’ESSENTIEL À SAVOIR SUR L'AFCRA.

L'Agence africaine de notation de crédit (AfCRA) est une initiative continentale visant à fournir des notations de crédit indépendantes, crédibles et détenues par des Africains pour les pays souverains, les pays souverains et les entreprises. Son principal objectif est de renforcer la transparence, de réduire la dépendance à l'égard des trois agences de notation internationales et de répondre aux besoins spécifiques des pays, des institutions et des contextes africains.

L'AfCRA a été créée pour répondre aux préoccupations concernant les préjugés, les inexactitudes et les coûts élevés associés aux agences internationales de notation de crédit lorsqu'elles évaluent les pays africains. Elle permettra au continent de disposer d'un système de notation de crédit qui reflète les réalités socio-économiques uniques de l'Afrique et favorise une représentation plus juste de sa solvabilité.

Contrairement aux agences de notation traditionnelles, AfCRA se concentre exclusivement sur les économies africaines, en incorporant des données et des indicateurs socio-économiques spécifiques à la région. Elle aura pour mandat de renforcer les marchés financiers africains tout en promouvant la transparence, l'équité et l'inclusion. L'AfCRA mettra également l'accent sur des cadres d'évaluation du crédit axés sur le développement et adaptés aux différents contextes du continent.

L'AfCRA sera régie par un cadre institutionnel solide assorti de politiques strictes visant à prévenir les conflits d'intérêts. Elle emploiera des professionnels hautement qualifiés et adoptera des méthodologies transparentes conformes aux meilleures pratiques internationales tout en reflétant les réalités africaines. Des mécanismes de contrôle et des partenariats avec des institutions respectées renforceront encore sa crédibilité.

L'objectif d'AfCRA n'est pas de concurrencer ou de remplacer les trois agences de notation internationales, mais plutôt de les compléter en offrant une autre perspective. Elle s'attachera à combler les lacunes en matière de données et d'analyse, à prendre en compte les nuances régionales et à promouvoir l'intégration financière africaine. Cela permettra d'avoir une vision diversifiée de la solvabilité et favorisera la collaboration pour un bénéfice mutuel.

AfCRA réduira le coût des notations de crédit pour les pays et les entreprises d'Afrique, améliorera leur accès aux marchés des capitaux et garantira une représentation plus juste de leur solvabilité. Elle fournira également une plateforme pour la promotion des projets et des investissements africains, stimulant ainsi la croissance économique et la stabilité financière régionale.