Pour la CDC du Gabon, il est clair qu'après analyse des implications juridiques du droit financier communautaire en Afrique Centrale, plusieurs points sont des acquis.
La COBAC peut-elle superviser la CDC du Gabon ?
" En l'état actuel du droit, la réponse est négative. La COBAC a pour mission principale de superviser les banques et établissements financiers soumis à des règles prudentielles. Or, la CDC : N'est ni une banque commerciale ni un établissement de crédit et ne collecte pas l'épargne du public au sens strict (elle reçoit des consignations et des dépôts réglementés) ; Relève de la tutelle de l'Etat gabonais et non d'une institution régionale; Dispose déjà de mécanismes nationaux de contrôle et de supervision, ce qui rend juridiquement contestable toute extension de la compétence de la COBAC " explique le responsable de la CDC GABON.
Par ailleurs, il est indiqué que toute intervention de la COBAC doit être précédée d'une modification du droit communautaire appuyé par un consensus des Etats membres de la CEMAC.
Y'a-t-il Atteinte à la souveraineté nationale et des Risques juridiques et opérationnels ?
La CDC du Gabon répond par l'affirmative. Pour l'organisme en charge des consignations à Libreville, "L'application d'un contrôle externe par la COBAC pourrait restreindre la capacité du Gabon à gérer librement ses fonds publics. Cette supervision entrainerait : Une limitation de la marge de manœuvre de la CDC dans la gestion de ses actifs ; L'introduction d'un organe de supervision étranger dans des décisions stratégiques nationales ; Une atteinte au principe de libre administration des établissements publics nationaux. ".
Par ailleurs, le Gabon oppose à la COBAC que la supervision de la CDC par la COBAC pourrait entrainer plusieurs risques, tant sur le plan juridique qu'opérationnel : Tout d'abord, soutient l'ADG, des conflits de compétence entre la CDC et la COBAC pourraient émerger, ce qui ralentirait considérablement la prise de décision et nuirait à l'efficacité des opérations.
Il souligne ensuite que la CDC s'exposerait à des sanctions communautaires en cas de non-conformité à de nouvelles règles qui ne seraient pas adaptées à sa nature spécifique et enfin, toute modification des règles d'investissement imposée par la COBAC risquerait d'impacter directement les projets nationaux financés par la CDC, réduisant ainsi la marge de manœuvre du Gabon en matière de développement économique.
Etat des lieux
Cette controverse intervient dans un contexte où le Cameroun et le Gabon reposent leur argumentation sur deux principes consacrés :
Une dualité de normes entre droit national et droit communautaire faisant que l'encadrement juridique de des CDEC repose sur un double socle normatif : Au niveau national, ( au GABON par exemple) l'ordonnance n° 024/PR/2010 du 12/10/2010 portant création et organisation de la CDC établit clairement que cet établissement relève de la souveraineté de l'Etat gabonais (article 2). Elle définit la CDC comme une institution publique à caractère financier, distincte des établissements bancaires et des établissements de crédit.
Au niveau communautaire, plusieurs textes sont applicables : La réglementation de la COBAC qui est l'organe de supervision bancaire créé par la Convention de l'UMAC de 1990 et confirme par le Traité de la CEMAC. Elle est spécifiquement chargée de surveiller les banques et établissements de crédit (banques commerciales, établissements de microfinance, institutions financières spécialisées). En sus, la Convention de l'Union Monétaire de Afrique Centrale (UMAC) de 1994 (notamment dans ses articles 29 et 32) qui précise les objectifs principaux de I'UMAC, notamment l'adoption d'une réglementation bancaire harmonisée, le renforcement de la réglementation communale en matière bancaire et financière, et la garantie de leur contrôle.
A cela s'ajoute, l'argument de l'application du principe de subsidiarité. Ce principe de subsidiarité, qui est un principe fondamental du droit communautaire, veut qu'une autorité régionale ne peut intervenir que si les mécanismes nationaux sont défaillants ou insuffisants. Dans le cas présent, la CDC relève qu'elle dispose déjà d'un cadre de supervision établi par la loi nationale, ce qui renforce l'argument selon lequel la COBAC ne peut justifier son intervention.
Dans son communique final de la dernière réunion du Groupe de Travail chargé des propositions consensuelles pour la supervision des activités des Caisses des Dépôts et Consignations (CDC) et la gestion des avoirs en déshérence dans la CEMAC, la BEAC ne semble pas vouloir donner suite à ces positions et arguments juridiques tant elle fait savoir que : " un consensus s'est dégagé sur la pertinence et la qualité de l'avant-projet de texte relatif à la gestion des comptes inactifs et des avoirs en déshérence : tandis qu'au détriment de la majorité, les deux CDC (Cameroun et Gabon [ NDLR]) en activité se sont dites opposées à celui relatif à la supervision totale de leurs activités par la COBAC, privilégiant une supervision partielle, limitée à leurs activités bancaires. Les versions révisées de ces documents, intégrant les ultimes propositions des membres, seront finalisées et présentées aux différentes instances communautaires compétentes de la CEMAC, pour décision".