Bonjour Dr, alors, depuis quelques années, vous proposez la Revue de Droit Bancaire et Boursier de la CEMAC, devenue par la suite, Revue Africaine de Droit Bancaire et Boursier. Quelle a été la motivation ?
Tout d’abord, je tiens à vous remercier pour l’opportunité que vous m’offrez de m’exprimer à cette tribune. Pour répondre à votre question, disons que je tiens ma motivation depuis la FAC. Je ne comprenais pas pourquoi les aînés que j’estimais être très brillants n’arrivaient pas à produire intellectuellement. Dès lors, je me suis engagé à transmettre les acquis de mon parcours à un plus grand nombre. Car, en réalité, j’estime que l’expérience de chacun est unique et qu’il est nécessaire de la transmettre. Par ailleurs, je crois que nous devons produire notre matière première intellectuelle par la doctrine. Certes, la recherche amène à lorgner chez les voisins, mais, il est important de donner nos avis sur des questions traitées au quotidien dans notre espace. Enfin, je reste convaincu que la pratique quotidienne du droit bancaire enseigne plus que les cours magistraux de nos facultés. En d’autres termes, j’ai très souvent pensé que le droit bancaire tel qu’enseigné dans les amphis doit être popularisé et renforcé par les enseignements de la pratique. Au regard de tout ceci, je pense que nous avons le devoir de produire la doctrine pour aider les professionnels du droit, en l’occurrence, nos magistrats à comprendre nos environnements complexes, à savoir le droit bancaire et boursier.
Quel est le bilan que vous dresseriez de cette aventure après deux ans ?
En fait, l’intérêt est réel. J’en veux pour preuve le nombre de tirages des premiers numéros. La revue est adoptée, mais nous avons un grand travail à faire dans la diffusion et sa disponibilité dans plusieurs régions.
Les segments les plus ouverts à la consommation de la revue ?
Très sincèrement, je n’ai pas encore évalué la situation sous cet angle. Cependant, je peux affirmer que plusieurs secteurs s’intéressent à la revue. Tout dépend des thèmes traités. Il y a des thèmes qui vont attirer plus d’avocats ou les juristes de banque. Curieusement, les universitaires consomment moins cette revue. Cela pourrait être expliqué par une absence de diffusion générale. Mais, on y travaille encore. Je n’ai aucun doute sur la portée future de cette revue à plusieurs secteurs.
Le champ de votre Revue n’est-il pas limitatif au moment où émerge, dans les nouveaux marchés du droit, la posture de juriste financier ?
Contrairement à l’opinion reçue, le droit bancaire est un droit au carrefour de plusieurs autres droits. Un juriste bancaire doit maîtriser les divers domaines suivants qui touchent l’activité bancaire ; le droit des garanties au sens large : le crédit est très souvent assorti de garanties ; le droit des sociétés commerciales : la banque est avant tout une société qui évolue dans un domaine réglementé qui lui donne un statut particulier. En outre, ses clients sont généralement des sociétés, ce qui nécessite la compréhension et la connaissance du droit OHADA ; le droit des procédures collectives : les clients de la banque peuvent connaître des difficultés et le juriste bancaire doit savoir comment gérer ces différentes situations ; le droit des successions : le compte bancaire des particuliers fait l’objet des convoitises après le décès de son titulaire. Il faut savoir comment gérer le compte après le décès ; le droit des personnes : la banque est amenée à gérer le compte des mineurs et même des personnes devenues incapables après l’ouverture du compte ; le recouvrement : tout le monde n’entend pas payer volontairement. Donc, il faut savoir sortir les muscles pour chercher les fonds reçus du public que certains débiteurs veulent s’approprier ; le droit pénal et la procédure pénale : les employés et dirigeants des banques peuvent engager leurs responsabilités dans le cadre et en dehors de leurs fonctions, Etc. Bref, plusieurs autres domaines du droit entretiennent des passerelles avec le droit bancaire. Le périmètre du droit est aussi large que l’océan qui suit son cours et se déverse sur plusieurs versants.
Aujourd’hui votre Revue devient africaine, ses challenges et ses contraintes sans doute aussi. Alors, dites-nous par exemple pour le choix des experts qui publient, comment opérez-vous ?
Je saisis l’occasion de préciser que la revue appartient à la fois à mon cabinet et au Laboratoire de recherche URDIIC. Dans le cadre de ce partenariat, la caution scientifique de la revue est assurée par le Professeur KALIEU qui n’est plus à présenter. Elle assume entièrement le choix des experts et leur remplacement éventuel. Néanmoins, je peux proposer certains noms sur la base de leur production scientifique ou des objectifs stratégiques à atteindre.
Et les autres difficultés ?
En fait, les difficultés sont diverses et variées. Sur le plan scientifique, nous devons gérer la disponibilité des évaluateurs et les membres du comité de lecture. Dans le même sens, nous devons manager également la disponibilité des auteurs qui ne comprennent pas parfois les contraintes de délais de la revue. Il faut y ajouter dans ce lot de difficultés, nos propres agendas et notre état de forme à certain moment. Nous sommes des hommes avec des périodes de forme et de faiblesse. Sur le plan de la distribution, nous rencontrons un intérêt mitigé des libraires ou des revendeurs qui sollicitent des commissions relatives à la vente alors que le coût de fabrication ne donne pas suffisamment de marges pour assouvir leurs appétits. L’une des difficultés que nous sommes en train de régler est intrinsèque à la revue. Elle était dénommée Revue de droit bancaire et boursier CEMAC. Cette désignation semblait limiter donc la consommation de la revue à la seule communauté CEMAC alors que les sujets traités intéressent tout le droit OHADA. Il nous a semblé opportun de changer cette dénomination. D’où le nouveau nom : Revue Africaine de Droit Bancaire et Boursier (RADBB).
Dans cette démarche visiblement difficile, avez-vous des soutiens ?
Nous y avons pensé. Les démarches ont été amorcées avec l’APECCAM. Mais, avec le changement de la présidence, on doit recommencer. En ce qui concerne les institutions communautaires, aucune démarche n’a été amorcée. Cependant, nous sommes préoccupés à écrire les lettres de noblesse de la revue. Les soutiens viendront naturellement si le travail de fond est assuré. Nous devons aussi être patients pour récolter les lauriers dans l’avenir très proche. J’en profite pour rendre hommage à nos deux sponsors actuels : le cabinet ZANGUE and Partners et le cabinet FINANCIA représenté par mon cher ami, Hervé Wouemetah. Ils ont cru à ce projet sans trop d’explications. Je prie que la grâce qui est attachée à notre œuvre soit également leur partage.
Une question un peu personnelle si vous permettez. Entre votre poste comme Directeur du Recouvrement dans une banque multinationale, les multiples séminaires en droit bancaire, les essais juridiques et la Revue, comment vous organisez-vous ?
[Rires]Je crois fermement que lorsque vous avez une vision claire, la provision se fait disponible et les moyens pour y arriver se font trouver. Cela ne veut pas dire que c’est toujours facile. Oh que NON, parfois, j’ai envie de tout arrêter. Par la grâce de Dieu, mon emploi m’épanouit suffisamment. Hélas ! La vision est envoûtante. Elle vous absorbe et vous porte à accomplir votre destinée. Je considère que les dons reçus en abondance doivent profiter à plusieurs personnes et non seulement à un seul employeur. Cette vision est mon carburant. Pour la porter, je dois faire beaucoup de sport, éliminer plusieurs sources de distraction, à savoir les réseaux sociaux et la vie de débauche.
Un mot pour la fin
Le péché de l’homme juste, avais-je appris d’un auteur, c’est de rester dans l’inaction. Plusieurs juristes veulent se distinguer en écrivant, mais peu sont prêts à payer le prix. Il est énorme ce prix : la privation du sommeil et la discipline. Notre génération doit laisser à la postérité ce qu’elle a acquis pendant son pèlerinage sur la terre. Rien n’est nouveau sous le soleil. La meilleure façon de le faire savoir est d’écrire. Sans écrit, on croira inventer la roue. Avec l’écrit, on connaît l’existant et on réfléchit pour innover. Cette œuvre de l’esprit est le meilleur moyen de pérenniser son existence sur la terre. Dans un sens inhabituel à son emploi, je termine par cette maxime latine : verba volent, scripta manent. L’écrit restera éternellement et contribue au développement du domaine de l’auteur.
NDLR :
- La Revue Africaine de Droit Bancaire et Boursier coûte 10.000 FCFA (Hors frais d'expédition).
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