CEMAC : La Commission Bancaire interdit les crypto-actifs aux banques et assimilés, la COSUMAF reste attendue

Par sa session extraordinaire du 06 mai 2022, la Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (COBAC) sous la présidence de Monsieur ABBAS MAHAMAT TOLLI, Président statutaire de la COBAC et Gouverneur de la BEAC ( en image) , a rappelé certaines interdictions liées à l’utilisation des crypto-actifs dans la CEMAC. Dans le même temps, les regards se tournent vers la Commission de Surveillance du Marché Financier de la CEMAC qui a annoncé un texte sur les crypto-actifs et en a tenu compte dans les projets de réforme des textes de bases du marché financier unifié.

Sont notamment interdits la souscription ou la détention des cryptomonnaies de quelle que nature que ce soit pour compte propre ou pour compte des tiers, l’échange ou la conversion, le règlement ou la couverture en devise ou en franc CFA des transactions relatives aux cryptomonnaies ou ayant un lien avec celles-ci, l’interdiction du Bitcoin ou de toute autre cryptomonnaie comme un moyen d’évaluation des éléments d’actif, de passif ou de hors-bilan des établissements assujettis. Notons déjà qu’au sens de la réglementation en vigueur, ces établissements concernés sont les établissements bancaires, les établissements financiers, les établissements de microfinance ou encore les établissements de paiement.

Lire sur la régulation de la cryptomonnaie en zone CEMAC : 

  1. CEMAC : La BEAC doit-elle lancer sa monnaie numérique pour contrer les cryptomonnaies ?
  2. CEMAC | COSUMAF : La réglementation des cryptomonnaies annoncée pour décembre 2021
  3. CEMAC | MARCHE FINANCIER : Comment la COSUMAF veut intégrer les cryptomonnaies dans l’Appel Public à l’épargne
  4. CEMAC | COSUMAF : Une réglementation pour les cryptomonnaies se prépare
  5. CEMAC : La COSUMAF interdit les cryptomonnaies en attendant la réglementation
  6. CEMAC | RCA : La loi centrafricaine sur la cryptomonnaie est-elle “légale” au regard du droit financier et monétaire communautaire ?

Par ailleurs, la COBAC a décidé de prendre un certain nombre de mesures visant à mettre en place un dispositif d’identification et de reporting des opérations en lien avec les cryptomonnaies. En effet, le gendarme bancaire soutient qu’au regard des risques relevés et des dispositions réglementaires existantes qui n’autorisent pas la détention et l’utilisation des cryptomonnaies et des crypto-actifs par les établissements assujettis, il convient de prendre des mesures conservatoires pour garantir la stabilité financière et préserver les dépôts de la clientèle dans la
CEMAC. 

LES INTERDICTIONS DE LA COMMISSION BANCAIRE

Pour contrer de manière précise la  Loi n°22.004 du 22 avril 2022 régissant la cryptomonnaie en République Centrafricaine promulguée par le président de la République Centrafricaine, la BEAC à travers la COBAC a pris la DÉCISION COBAC D-2022/ 071 du 06 mai 2022 RELATIVE À LA DÉTENTION, L’UTILISATION, L’ÉCHANGE ET LA CONVERSION DES CRYPTOMONNAIES OU CRYPTO-ACTIFS PAR LES ÉTABLISSEMENTS ASSUJETTIS A LA COBAC. Ce texte est ferme, les établissements assujettis à la COBAC ainsi que leurs partenaires techniques dans le cadre des services de paiement ne sont pas autorisés à souscrire ou détenir pour leur propre compte ou pour le compte des tiers les cryptomonnaies ou monnaies virtuelles de quelque nature que ce soit.
Le texte poursuit en précisant qu’il est interdit aux établissements assujettis ainsi qu’à leurs partenaires techniques dans le cadre des services de paiement d’échanger ou de convertir, de régler ou couvrir en devise ou en franc CFA les transactions relatives aux cryptomonnaies ou ayant un lien avec celles-ci. 
Par ailleurs, est proscrit, le traitement d’une cryptomonnaie ou d’une monnaie virtuelle comme un moyen d’évaluations des éléments d’actif, de passifs ou de hors-bilan des établissements assujettis.

LA MISE EN PLACE DU TRACKING PAR LA COMMISSION BANCAIRE

Par son Article 5, la décision de la COBAC dispose que les établissements assujettis sont tenus d’identifier les opérations réalisées ou rejetées en lien avec les cryptomonnaies (donneurs d’ordre, bénéficiaires, montants, monnaie légale de transaction, contreparties en cryptomonnaie, objet de la transaction, etc.) et communiquent au Secrétariat Général de la COBAC et à la Banque Centrale mensuellement un état détaillé de ces opérations. En outre, les établissements assujettis sont tenus de prendre toutes les dispositions utiles et de mettre en place des procédures ainsi que des mesures de contrôle interne, afin que leurs
systèmes d’information puissent identifier à tout moment des opérations en lien avec les cryptomonnaies, de manière à mettre en œuvre toutes les mesures prises par les autorités de tutelle, de supervision et la Banque Centrale.

Pour éviter toute confusion, la COBAC a tenu à préciser le sens qu’elle assigne aux cryptomonnaies et crypto-actifs. Elle les considère comme des actifs numériques ou actifs cryptés, qui utilisent un réseau informatique et reposent sur une technologie appelée Blockchain. La COBAC précise que cette dernière est une technologie de registre distribué, c’est-à-dire un système d’échange et de conservation de données de pair à pair (sans intermédiaire) à l’aide d’un registre partagé de l’ensemble des transactions. 

Pour justifier cette interdiction faite aux banques et autres établissements soumis à son contrôle, la COBAC soutient que la détention et l’utilisation des cryptomonnaies et des crypto-actifs présentent notamment un risque de marché lié à la volatilité extrême des cours ; un risque opérationnel, en particulier de crypto-criminalité ; un risque de liquidité ou de conversion en devise ; un risque juridique lié à l’extraterritorialité des prestataires ; un risque de blanchiment de capitaux et financement du terrorisme et un risque d’évasion fiscale et de fuite des capitaux.

Au passage, la COBAC, avec peine, donne un contenu à la notion de monnaie légale. Elle établit en visant le règlement COBAC 98/01 et le règlement COBAC EMF-2010/01, que la « monnaie légale pour la tenue de la comptabilité » ou le « principe du nominalisme monétaire » précisent que les livres et les documents comptables sont établis en Francs CFA émis par la Banque des Etats de l’Afrique Centrale et autorisent que les livres et documents relatifs à l’enregistrement des opérations en devises puissent être tenus dans chacune des devises utilisées. C’est donc au plan comptable que le défaut de nature de monnaie de la crypto-monnaie et le BITCOIN est déconstruit par la COBAC.  

TOUT N’EST PAS FINI POUR LES CRYPTOMONNAIES EN ZONE CEMAC 

A l’évidence, la réaction réglementaire de la Banque centrale – BEAC – et de son alcôve (la COBAC) est une réponse en urgence à la loi centrafricaine sur les cryptomonnaies et face aux dangers des opérations de change entre BITCOIN et Franc CFA. Cependant, sauf erreur, la Commission de Surveillance du marché financier (COSUMAF) n’a pas fait de sortie sur la loi source de risques. En effet, si la COSUMAF avait produit un communiqué interdisant toutes les transactions sur les crypto-actifs aux épargnants investisseurs potentiels, elle a par la suite annoncé un texte spécifique et a introduit des dispositions pour encadrer les ICO ou Initial Coin Offering. Comme l’Autorité des Marchés Financiers l’a fait en France, la COSUMAF conserve une marge d’intervention quant à la réglementation des émission de JETONS  fongibles ou NON FONGIBLES (NFT). En ce sens, lire :   CEMAC : La COSUMAF interdit les cryptomonnaies…en attendant la réglementation   et CEMAC | MARCHE FINANCIER : Comment la COSUMAF veut intégrer les cryptomonnaies dans l’Appel Public à l’épargne.

Willy ZOGO et Robert MBOUDOU