Avec l’élargissement du périmètre de l’encadrement du secret bancaire aux établissements de microfinance, pan important dans le secteur financier du Cameroun et, dont le rôle n’est pas à négliger, la réforme d’avril 2022 impacte les obligations professionnelles qui pèsent sur le banquier. Certaines peuvent être considérées aujourd’hui comme étant traditionnelles, alors que d’autres apparaissent comme des constructions évolutives plus ou moins récentes (devoir de vigilance, devoir d’information, devoir de loyauté). Parmi les obligations professionnelles classiques figure le secret bancaire… Selon l’article 3 de la Loi du 26 avril 2022 portant secret bancaire au Cameroun, le secret bancaire consiste en l’obligation de confidentialité à laquelle sont tenus les établissements assujettis (banques, établissements de microfinance etc …) quant aux actes, faits et informations concernant leurs clients dont ils ont connaissance dans l’exercice de leur profession.
Première innovation : l’élargissement des personnes exemptes de la communication et à la divulgation de certaines informations tenues confidentielles.
Selon l’article 6 de la loi du 26 avril 2022, ne constitue pas une violation du secret bancaire les communications par quelque moyen que ce soit d’informations à caractère général, notamment tout renseignement qui est d’usage de fournir à des tiers, client, membre ou non membre de l’établissement assujetti. Ainsi on peut voir à la suite de cet article et de ses différents alinéas que ne constitue pas une violation du devoir de confidentialité les informations divulguées et échanges faites par les personnes assujettis à l’Agence nationale d’investigation financière (ANIF), à un officier de police agissant sur ordre du procureur lors d’une procédure judiciaire, à l’administration fiscale, à l’administration douanière.
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Cette assiette de nouvelles personnes dont la divulgation d’informations n’est pas punissable permet de mieux cerner les cas de violation du devoir de confidentialité et les cas de sa non violation. De même, elle permet aussi aux personnes investies de ce pouvoir de demander ces informations à caractère secret de mieux accomplir leurs missions.
Deuxième innovation : l’extension des personnes inopposables au secret bancaire.
Ces inopposabilités portent sur les personnes publiques et sur les personnes privées. Il s’agit en fait des hypothèses dans lesquelles, malgré que les informations relèvent du secret bancaire, la banque est tenue de les communiquer aux tiers.
Pour les personnes publiques : Au-delà des bénéficiaires classiques (COBAC, BEAC, TRÉSOR PUBLIC), désormais la loi du 26 avril 2022 intègre les Conseil nationaux économiques et financiers (CNEF) et les institutions en charge de la lutte contre la corruption agissant dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions.
En ce qui concerne les personnes privées : le secret bancaire est désormais inopposable aux ayants droit, entendu ici comme toute personne bénéficiant d’un droit en raison de sa situation juridique, fiscale et financière ou d’un lien familial avec le bénéficiaire de ce lien et de ce droit, à la caution dans le cadre de son information sur la défaillance du débiteur.
Toutes ces inopposabilités permettent de rendre l’information confidentielle accessible à toutes ces personnes pour, non seulement faciliter et alléger la charge de leurs missions mais aussi, pour mieux contrôler et sécuriser le système bancaire camerounais dans son ensemble.
Troisième innovation : la rigidité et l’alourdissement des sanctions à l’égard des contrevenants.
Les auteurs assujettis au secret bancaire qui auront un comportement délictueux en divulguant, en communiquant ou en rendant accessible les informations confidentielles aux tiers seront désormais sévèrement punis par la loi du 26 avril 2022. Les peines de la nouvelle loi vont de la privation de liberté aux peines accessoires en passant par des amendes plus lourdes. Ces sanctions s’appliquent aux personnes physiques et au personnes morales et sont doublées en
cas d’aggravation.
Pour les peines d’emprisonnement la loi est restée attachée à la périodicité de 03 mois à 03 ans comme dans la loi de 2003, mais pour les amendes nous passons d’un montant de 1 million à 10 million franc CFA dans l’ancienne loi à un montant de 1 million à 50 millions franc CFA.
En cas d’aggravation c’est-à-dire si la violation du secret est faite par voie de presse écrite, de radio, de télévision ou par voie de communication électronique les peines seront doublées.
Pour ce qui est enfin des peines accessoires, celles-ci peuvent être prononcées par le tribunal sur les personnes physiques et morales. On peut y voir l’interdiction d’exercer une activité dans un établissement assujetti (personne physique) ou la fermeture d’un établissement (banque, établissement de microfinance) ou encore la publicité de la décision prononcée et sa diffusion par voie des médias.
La Loi du 26 avril 2022 vient rendre l’arsenal juridique des sanctions plus stricte, plus rigide et plus sévère en cas de violation du secret bancaire car, le devoir de discrétion et de confidentialité par les professionnels des établissements assujettis sont et demeurent des principes sacramentaux.
En définitive, nous pouvons dire que cette réforme par ses innovations est salutaire à tous égards, car elle vient s’acclimater à la réalité et à l’évolution du paysage bancaire camerounais actuel était dans le besoin des solutions appropriées et adéquate pour mieux se sécuriser et faire face aux défis de l’heure.
Robert Olivier MBOUDOU (Pour DMF – Consultant/Juriste financier)