TRIBUNE : Aperçu des techniques bancaires et financières de rééquilibrage de la trésorerie d'entreprise

Pour remettre d’aplomb la trésorerie d’une entreprise, plusieurs techniques bancaires et financières peuvent se présenter comme étant appropriées, de l’escompte bancaire à la titrisation en passant par la technique d’affaturage Cette tribune rédigée par le soin du juriste d’affaires Boris Enguele en trace un juste aperçu…

Les crédits à court terme ont pour objet une aide de trésorerie à l’entreprise pour un délai qui n’excède pas deux ans. Certains de ces crédits fonctionnent essentiellement sur le mécanisme du prêt et reposent sur la solvabilité du crédité c’est-à-dire la confiance qu’il inspire. D’autres assurent la mobilisation d’une créance commerciale autrement dit que le crédité demande au banquier le paiement anticipé d’une créance commerciale qu’il transmet à celui-ci en propriété ou en garantie ; d’autres encore sortent du carcan bancaire pour s’inscrire dans le paradigme des marchés financiers.

L’ESCOMPTE BANCAIRE 

L’escompte est l’opération de crédit par laquelle un établissement de crédit, l’escompteur, avance au crédité titulaire d’une créance non échue généralement un effet de commerce, le montant de celle-ci contre son transfert à titre de propriété, moyennant rémunération et sous réserve d’encaissement à l’échéance. L’escompte est un instrument de crédit aussi bien pour le crédité qui reçoit les fonds que pour le créditeur qui peut se refinancer.
A l’échéance, le banquier présente l’effet en paiement chez le tiré. Si l’effet est impayé, le banquier exerce son recours cambiaire ou un recours de droit commun fondé sur la convention d’escompte contre le crédité. Il peut encore s’il est en relation de compte courant avec lui, procéder à la contre-passation de l’effet qui lui sera dans ce cas restitué.

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La subrogation personnelle dans l’escompte s’opère donc dès lors qu’il y’a transfert de créance au profit de l’établissement de crédit qui procède au rachat des effets de commerce non échus moyennant une commission ; il devient donc de ce fait créancier du débiteur principal et c’est à lui que revient la charge d’encaisser les dits effets à l’échéance.

Toutefois, c’est un mécanisme sécurisé pour l’escompteur qui dispose d’un recours cambiaire contre le créancier escompté en cas d’impossibilité de recouvrement à l’échéance.
L’avantage est vite perçu pour l’entreprise créancière : un financement à court terme par la transformation en liquidités de ses effets de commerce (lettre de change, billet à ordre …) non échus au moment T moyennant le paiement d’une commission.

Le prix de l’escompte c’est à dire la rémunération du banquier prend la forme d’un intérêt calculé en fonction du temps compris entre le jour de l’escompte et l’échéance de l’effet. L’escompte permet ainsi de reconstituer, par anticipation, le fonds de roulement afin de financer le cycle d’exploitation ou de rééquilibrer la trésorerie de l’entreprise.

L’AFFACTURAGE 

L’affacturage est régi au Cameroun par la LOI N° 2014/006 DU 23 AVRIL 2014 RÉGISSANT L’ACTIVITÉ DE L’AFFACTURAGE AU CAMEROUN. L’article 2 de cette loi le définit comme une opération par laquelle, l’adhérent transfère par une convention écrite, avec effet subrogatoire, ses créances à l’affactureur (le factor), qui, moyennant rémunération, lui règle par avance tout ou partie du montant des créances transférées, tout en supportant ou non, selon la convention des parties, les risques d’insolvabilité éventuelle sur les créances cédées ;

L’affacturage diffère de l’escompte car le factor n’a pas en principe, de recours contre l’adhérent en cas de défaillance du débiteur. Il assume sans recours le risque de non paiement. Aussi tandis que l’escompte vise les effets de commerce, l’affacturage vise généralement les factures livrées mais non encore payées (factures fournisseurs, factures pro forma acceptée et signée, bon de commande avec cachet et signature …) ; la condition sine qua none étant que la prestation soit complètement livrée.

On distingue l’affacturage avec recours : convention dans laquelle l’affactureur se réserve la faculté de se faire rembourser par l’adhérent, en cas d’insolvabilité du débiteur ; et l’affacturage sans recours : convention dans laquelle l’adhérent n’octroie aucune garantie à l’affactureur contre l’insolvabilité du débiteur.

L’article 3 de cette loi prescrit que peuvent être admises en affacturage, une ou plusieurs factures émises sur un client dont le montant individuel ou groupé est au moins égal à la somme de deux cent mille (200 000) francs CFA, surtout que la convention d’affacturage doit être publiée au RCCM pour être opposable aux tiers (notamment les débiteurs de l’adhérent).

La rémunération de l’affacturage comprend la commission de service qui rémunère l’affactureur au titre de sa prestation d’affacturage et la commission financière à rémunérer l’avance de trésorerie faite par l’affactureur.
Le contrat d’affacturage prévoit une retenue de garantie prélevée sur chaque facture et destinée à couvrir le risque de factures impayées. La retenue de garantie est restituée par l’affactureur à l’adhérent à la fin de la relation contractuelle, déduction faite des sommes éventuellement dues par l’adhérent.

La subrogation personnelle s’opère dans l’affacturage dès lors qu’il y’a transfert de la créance au factor qui aura la charge de la recouvrer à l’échéance et faire face aux risques d’insolvabilité du débiteur.
L’affacturage est également un instrument de financement alternatif de l’entreprise par une véritable avance de trésorerie car le factor paie la créance de l’adhérent, lui octroyant des liquidités importantes pour faire face à sa conjoncture économique propre et assurant par là, la maîtrise des risques commerciaux.

LA TITRISATION DES CRÉANCES COMMERCIALES 

La titrisation est un procédé financier visant à transformer des créances en titres financiers pouvant faire l’objet d’une émission sur les marchés financiers. Les créances constituent des actifs illiquides tandis que les titres représentent des actifs liquides, librement négociables et échangeables sur un marché boursier. L’intérêt pour les entreprises qui procèdent à la titrisation est de transférer sur l’acheteur le risque de non-remboursement des créances. En contrepartie du risque accru de non-remboursement, les acheteurs perçoivent des taux d’intérêts plus élevés que la moyenne.

Spécifiquement, La titrisation des créances commerciales est un montage financier qui consiste pour une entreprise créancière, à céder ses créances qu’elle détient sur ses débiteurs (ou des créances futures déterminables et quantifiables), à un Organisme Ad hoc (Fonds Commun de Titrisation de créances) en vue de leur transformation en titres. Ces titres seront ensuite proposés en vente à des investisseurs financiers. La créance transformée en titre est amortie de la commission du FCTC et rabaissée à une valeur inférieur au regard du risque relatif à son recouvrement qui est transféré aux investisseurs.
Par exemple une entreprise créancière détient des créances non échues sur ses clients de l’ordre de 1 000 000 fcfa. Elle décide de recourir à la titrisation pour que lesdites créances soient transformées en titres financiers vendus à des spéculateurs financiers. La valeur de la créance sera revue à la baisse au niveau du marché financier au moment de titrisation (généralement un amortissement de -30% consécutif d’une compensation avec l’intérêt à percevoir par les acheteurs). In concréto, l’entreprise créancière sur une valeur de départ de 1 000 000 fcfa pourra se voir offrir 700 000 de financement.

Cette technique financière qui ne s’opère que dans le cadre des marchés financiers (à l’instar de la bourse) présente des avantages pour les entreprises créancières :
– une source de financement alternative au financement bancaire ou à l’injection des fonds propres et ce à moyen terme ;
– un transfert des risques aux investisseurs ;
– une amélioration des ratios prudentiels pour diminuer les risques d’insolvabilité et équilibrer le bilan ;
– un coût de financement optimisé compte tenu de la qualité des créances titrisées ;
– une amélioration de la rentabilité économique,
– une levée de fonds importante et adossée à des créances existantes ou futures ;

La subrogation intervient dans la titrisation au moment du transfert de la créance titrisée à des investisseurs financiers via des Sociétés de bourses émettrices de titres. Ils devront de ce fait supporter le risque du recouvrement, risque qui a par exemple été à l’origine de la crise des subprimes de 2007 aux Etats Unis.

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Espérons que la fusion des Marchés financiers de la Sous région Afrique centrale sera l’occasion d’une véritable dynamisation de ce modèle de financement alternatif et à moyen terme, des entreprises de la sous région étant entendu que ce mécanisme est déjà suffisamment répandu dans le marché financier Ouest-africain. Dans cette zone, un texte existe : Le RÈGLEMENT N°02/2010/CM/UEMOA RELATIF AUX FONDS COMMUNS DE TITRISATION DE CRÉANCES ET AUX OPÉRATIONS DE TITRISATION DANS L’UEMOA).

In fine, l’escompte, l’affacturage et la titrisation des créances commerciales apparaissent comme des mécanismes modernes et pertinents de financement à court ou moyen terme, pouvant permettre un rééquilibrage de la trésorerie de l’entreprise et nécessairement de son bilan. Il s’agit des modes de financement alternatifs au simple prêt bancaire plus rigide et plus coûteux en termes de garanties à mobiliser et d’intérêts à payer. Leur point commun essentiel c’est la cession de créance par subrogation personnelle même s’il faut reconnaître que le risque demeure important au regard de l’imprévisibilité des contingences de recouvrement à l’échéance.

BORIS MINLO ENGUELE