ZLECAf : Que dit le Protocole sur l’investissement annexé à l’Accord de Kigali ?


Par Dr ZOGO |


Le protocole sur l’investissement (PI ou protocole) de l’Accord portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) a été adopté par les chefs d’État africains les 18 et 19 février 2023, lors du 36ème Sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba, en Éthiopie.

zone de libre échange

Dès l’article 1er du PI, la question se pose de savoir : qu’est-ce qu’un investissement ? Il ressort que Le terme "investissement" désigne une entreprise ou une société acquise ou développée en conformité avec les lois et règlements d'un État d'accueil par un investisseur qui exerce une activité substantielle sur le territoire de cet État d'accueil.

L'entreprise ou la société entreprise ou la société peut posséder des actifs, tels que  des parts, des actions ou toute autre forme de participation de la société, des biens mobiliers et immobiliers, y compris des hypothèques, des privilèges, des gages et tout autre droit similaire tel que défini conformément à la législation nationale, des droits de propriété intellectuelle tels que les droits d'auteur, les brevets, les marques, les dessins et modèles industriels, les noms commerciaux, le savoir-faire et le goodwill, dans la mesure où ils sont acquis, maintenus et protégés en vertu de la législation de l'État d'accueil.

L’investissement implique également de posséder des droits conférés par la législation de l'État d'accueil ou en vertu d'un contrat, y compris les licences de culture, d'extraction ou d'exploitation, des droits conférés par des contrats, notamment des contrats clés en main, de construction, de production, de gestion, de concession ou autres …

Pour plus de certitude, l'investissement doit présenter les caractéristiques suivantes : engagement de capitaux ou d'autres ressources, attente d'un financement de la part de l'État ou de l'entreprise, l'espoir d'un gain ou d'un profit, une certaine durée, la prise de risque, et une contribution significative à l'économie du pays, une certaine durée, la prise de risque et une contribution significative au développement durable de l'État d'accueil.

Dans cette occurrence, dans le PI, il faut entendre par "investisseur" une personne physique, ressortissante d'un État partie conformément à ses lois et règlements, qui a effectué un investissement sur le territoire d'un autre État partie. Il est entendu qu'une personne physique ayant une double nationalité est réputée être exclusivement ressortissante du pays dont elle a la nationalité effective ou dans lequel elle réside habituellement ou en permanence. Pour la personne morale ou juridique, la définition dépend de l'État d'origine qui a effectué un investissement sur le territoire de l'État d'accueil.

CHAMP ET PORTEE DU PROTOCOLE

Le but de ce protocole porte sur les flux et les opportunités d'investissement intra-africains et promouvoir, faciliter, retenir, protéger et accroître les investissements qui favorisent le développement durable des États parties. Du point de vue de la sécurité juridique, le PI veut « établir un cadre juridique et institutionnel continental équilibré, prévisible et transparent pour l'investissement, en tenant compte de l'importance de l'investissement dans le développement durable » et un cadre « solide pour la prévention et la gestion des règlements des différends en matière d'investissement ».

Le PI s’applique aux situations postérieures à son entrée en vigueur et n’est donc pas rétroactif.  De même, l’application du PI peut à tout moment être refusé à un investisseur d'un autre État partie et à son investissement pour « investissement sans activité commerciale substantielle sur le territoire de l'État d'origine », « investissement établi ou restructuré dans le but principal d'avoir accès au mécanisme de règlement des différends prévu par le PI » ou pour « activités préjudiciables aux intérêts essentiels et nationaux de l'État d'accueil ».

L’article 9 du PI souligne que chaque État partie doit désigner un point focal national qui apporte son soutien aux investisseurs des autres États parties. De plus, chaque État partie doit accorder aux investisseurs d'un autre État partie et à leurs investissements un traitement non moins favorable que celui qu'il accorde, dans des circonstances analogues, à ses propres investisseurs.

Dans ce sens, les États parties s'abstiennent « d'exproprier ou de nationaliser, directement ou indirectement, des investissements sur leur territoire, sauf pour cause d'utilité publique ; avec respect des droits de la défense conformément à la procédure établie par la législation de l'État partie ; de manière non discriminatoire ; et contre une indemnisation juste et adéquate versée dans un délai raisonnable. »

L’article 22 du PI portant sur les transferts de fonds exhorte les États parties à autoriser, conformément à leur législation et à leur réglementation nationales et en dehors de toute fraude, tous les transferts relatifs à un investissement à effectuer librement et sans retard sur leur territoire et en dehors de celui-ci, après paiement des impôts et droits respectifs. Sous réserve du choix de l'investisseur, l’Etat d’accueil autorise les transferts en sa monnaie ou toute autre monnaie librement convertible reconnue par le Fonds monétaire international (FMI), « au taux de change du marché en vigueur à la date du transfert, conformément aux lois et règlements de l'État d'accueil. »

Des barrières aux transferts de fonds restent possibles en cas de déficit grave de la balance des paiements ou de difficultés financières extérieures, ou dans des circonstances exceptionnelles, lorsque les mouvements de capitaux causent ou menacent de causer de graves difficultés économiques ou financières dans l'État partie concerné.

Le PI prend en compte les questions liées au développement durable (investissement durable) et exige des États parties qu’ils assurent la protection de l'environnement, du travail et des consommateurs. Les investissements doivent aller dans le sens d’atténuer les émissions de gaz à effet de serre et les mesures d'adaptation aux effets négatifs du changement climatique ou de soutenir une transition juste et équitable dans des secteurs tels que les énergies renouvelables, les véhicules à faible consommation d'énergie et les énergies renouvelables.

Il est question aussi de nouveaux régimes d'investissement, tels que les zones économiques spéciales à faible ou à zéro émission de carbone ou à faible teneur ou à teneur nulle en carbone.

UNE AGENCE POUR L’INVESTISSEMENT INTRA-AFRICAIN

L’article 42 porte création de l'Agence panafricaine du commerce et de l'investissement en tant qu'institution technique du Secrétariat de la ZLECAf. Cette agence a pour mission d’assister les États parties, leurs agences de promotion des investissements et leur secteur privé en mobilisant des ressources financières, en encourageant le développement des entreprises et en fournissant un soutien technique et autre pour la promotion et la facilitation des investissements dans les pays en développement.

CONTENTIEUX DES INVESTISSEMENTS

L’article 46 sur le règlement des litiges liés à l’investissement dispose qu’en cas de différend entre un investisseur d'un État partie et un État d'accueil concernant une violation présumée du PI, l'investisseur et l'État d'accueil s'efforcent d'abord de régler le différend à l'amiable par des consultations, des négociations, la conciliation ou d'autres mécanismes de règlement des différends à l'amiable disponibles dans l'État d'accueil. S’ils ne parviennent pas à résoudre à l'amiable le différend, ils peuvent chercher à résoudre ce différend conformément à la procédure de prévention des différends et de gestion des griefs par un organe désigné pour la réception des plaintes et de leur suivi.

Une annexe au PI est prévue pour le règlement des litiges qui n’auront pas pu être évités.