La Conférence a servi de cadre d’échanges permettant aux banques centrales et institutions partenaires de partager leurs expériences et réflexions, en vue de l’élaboration ou de l’enrichissement de leurs feuilles de route respectives en matière de déploiement de l’IA dans leurs activités. Un creuset d'échanges sur l'application de l'IA et les innovations y relatives dans le secteur bancaire et financier, notamment en lien avec les missions des banques centrales et organismes de régulation. De manière spécifique, elle ambitionne de permettre aux banques centrales participantes de tirer parti d’expériences diverses et variées pour élaborer et enrichir leur feuille de route en matière de déploiement de l’IA dans leurs activités. 

BASES FIXEES PAR L'UA 

Dans son propos introductif, le Gouverneur Jean-Claude Kassi BROU a souligné l’importance croissante de l’IA dans les dynamiques économiques et financières à l’échelle mondiale. Il a indiqué que cette technologie, aux effets profondément transformateurs, offre des perspectives significatives pour accélérer la transformation économique et sociale en Afrique. À cet égard, il a mis en lumière les initiatives continentales majeures, notamment la Stratégie de l’Union Africaine sur l’Intelligence Artificielle, adoptée en 2024, ainsi que la création récente du Conseil Africain de l’Intelligence Artificielle.

Il a ensuite mis en exergue les enjeux spécifiques liés à l’intégration de l’IA dans les activités des autorités monétaires. Il a précisé que, bien que l’usage de cette technologie par les banques centrales soit encore à un stade préliminaire, plusieurs Institutions s’y engagent activement afin de tirer parti des bénéfices potentiels, tout en maîtrisant les risques afférents. Il a ainsi insisté sur la nécessité d’adopter une approche responsable et structurée, fondée sur une analyse stratégique et opérationnelle rigoureuse.

Enfin, Monsieur le Gouverneur a rappelé la création, en juillet 2024, du Comité de Réflexion sur l’Intelligence Artificielle (CRIA), institué par la BCEAO afin d’élaborer une feuille de route pour un déploiement maîtrisé et optimal de cette technologie au sein de l’Institut d’émission.

Plusieurs thématiques ont été abordées au cours desdits travaux : le pouvoir transformateur de l’Intelligence Artificielle ; l’Intelligence Artificielle et la politique monétaire ; l’Intelligence Artificielle et la stabilité financière ainsi que ; les ressources humaines et défis éthiques liés à l’Intelligence Artificielle. Enfin, une Table ronde des gouverneurs des banques centrales invitées portant sur le thème “Principales leçons à tirer et perspectives” a clôturé les travaux.

LES APPLICATIONS DE L'IA POUR LES BANQUES CENTRALES

Il est important de revenir sur les enseignements et les perspectives stratégiques pour une intégration progressive et maîtrisée de l’Intelligence Artificielle (IA) dans les activités des Banques Centrales du point de vue des Gouverneurs présents à l'évènement (de la BCEAO, de la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC), de la Banque Centrale des Comores, de la Banque Centrale du Libéria, de la Banque Centrale de Maurice et de la Banque Centrale du Mozambique). 

1. Le Gouverneur de la BCEAO, Monsieur Jean-Claude Kassi BROU, a ouvert les débats en soulignant que l’IA demeure, au sein des Banques Centrales, une technologie encore émergente, souvent limitée à des phases d’expérimentation. Il a insisté sur la nécessité pour les Banques Centrales de l’inscrire dans une stratégie globale de transformation numérique, fondée sur une gouvernance des données, le renforcement des compétences internes et l’adaptation des cadres réglementaires. Il a rappelé que le discernement humain devait demeurer au cœur des décisions. Il a évoqué le fait que le Comité de Réflexion sur l’Intelligence Artificielle (CRIA) au sein de la BCEAO a pour mission de proposer une feuille de route pour le déploiement de l'IA au sein de la BCEAO en évaluant les bénéfices attendus, ainsi que les prérequis pour une intégration réussie.
2. Le Gouverneur de la BEAC, Monsieur Yvon Sana BANGUI, a mis en avant la nécessité d’un diagnostic institutionnel approfondi et d’un cadre de gouvernance solide. Il a proposé l’élaboration d’un Livre blanc permettant de recenser les meilleures pratiques et de maîtriser les risques liés à l’IA, tout en appelant à renforcer la coopération régionale et internationale afin d’améliorer la résilience des systèmes financiers.
3. Le Gouverneur de la Banque Centrale du Mozambique, Monsieur Rogério Lucas ZANDAMELA, a insisté sur l’importance d’objectifs clairs et d’une approche humaniste. Il a recommandé la constitution d’équipes dédiées, la compatibilité des outils d’IA avec les systèmes existants, ainsi que le développement de programmes de formation continue pour accompagner les agents dans cette transition.
4. Le Gouverneur de la Banque Centrale de Maurice a souligné le potentiel de l’IA pour optimiser la supervision bancaire, les prévisions économiques, et intégrer les impacts du changement climatique dans les politiques monétaires. Il a plaidé pour des stratégies institutionnelles cohérentes, appuyées sur des partenariats techniques, et articulées autour d’un plan d’exécution rigoureux.
5. Le Gouverneur de la Banque Centrale des Comores, Monsieur Younoussa IMANI, a identifié plusieurs domaines prioritaires pour l’usage de l’IA, notamment la modélisation macroéconomique, les prévisions d’inflation et les systèmes de paiement. Il a suggéré la création d’un réseau de points focaux sur l’Intelligence Artificielle au sein des Banques Centrales africaines, en vue de mutualiser les expertises et d’accélérer les progrès collectifs.
6. Le Gouverneur de la Banque Centrale du Libéria, Monsieur Henry SAAMOI, a salué une rencontre déterminante pour l’orientation stratégique de son Institution. Il a annoncé que le Centre d’Innovation Digitale de la Banque porterait désormais la réflexion sur l’Intelligence Artificielle, avec une priorité accordée à sa structuration progressive et au renforcement des compétences internes. Il a également souligné l’importance d’apprendre des expériences d’Institutions plus avancées afin d’éviter les écueils.

Au reste, à l’issue de cette table ronde, les Gouverneurs ont réaffirmé leur volonté commune d’accompagner la transformation numérique de leurs Institutions à travers des démarches adaptées, responsables et coordonnées. Les échanges ont mis en lumière la nécessité d’élaborer des feuilles de route claires, de garantir une gouvernance rigoureuse et d’intensifier la coopération pour relever les défis éthiques, réglementaires et opérationnels. Les Gouverneurs ont renouvelé leur engagement à poursuivre ces réflexions, notamment à travers des initiatives collectives, en vue de faire de l’IA un levier au service de la stabilité financière et du développement économique du Continent.

Rappelons que la rencontre était placée sous le parrainage du Premier Ministre de la République du Sénégal, son Excellence Monsieur Ousmane SONKO, représenté à cette occasion par le Ministre des Finances et du Budget. Elle a réuni des Gouverneurs et représentants de banques centrales, d'institutions financières et académiques, ainsi que d'Experts du secteur bancaire et financier, autour des enjeux liés à l’émergence de l’Intelligence Artificielle (IA), dans la mise en œuvre des politiques économiques, et de manière plus spécifique, dans les missions des banques centrales, notamment en matière de politique monétaire et de stabilité financière.